Voici, en retard à cause de nos vacances en Suède et Norvège (magnifiques pays de sympathiques habitants), mes rapports de lectures scientifiques d’avril.
Nous gardons un oeil attentif sur la cryo-ME:
Tsai, K. L., Yu, X., Gopalan, S., Chao, T. C., Zhang, Y., Florens, L., . . . Asturias, F. J. (2017). Mediator structure and rearrangements required for holoenzyme formation. Nature, 544(7649), 196-201. doi:10.1038/nature21393
Liu, X., Li, M., Xia, X., Li, X., & Chen, Z. (2017). Mechanism of chromatin remodelling revealed by the Snf2-nucleosome structure. Nature, 544(7651), 440-445. doi:10.1038/nature22036
06.04.2017, Nature 544, 7648
– 59 – 64; autre mais similaire: 110 -114. NOYAU CELLULAIRE, STRUCTURE 3D, TAD. Structure 3D du génome dans le noyau d’une cellule. Nous avons beaucoup étudié le sujet au Centre de ME de l’UNIL et il n’avançait guère. Aujourd’hui, il bouge, non pas en déterminant la forme de l’ADN dans le noyau, mais en mesurant, en des millions de points, quel bout d’ADN est en contact avec quel autre. C’est la méthode de « capture de conformation chromosomique » qui donne sa pleine puissance grâce aux méthodes actuelles de séquençage massif (Hi-C). L’approche rappelle celle de la RMN (résonnance magnétique nucléaire) qui permet de reconstruire la structure 3D d’une protéine en déterminant uniquement qui est voisin de qui.
En aout 2016, nous avions rapporté dans ce blog un travail par Wang et al. qui tirait des conclusions remarquables par l’analyse statistique de ces voisinages dans le noyau de cellules murines. Ici, l’analyse porte sur des noyaux individuels et permet de localiser individuellement les unités fonctionnelles du génome (TAD: topologically associated domains). La figure donne une idée du type de résultat obtenu. Plus spécifiquement, l’analyse révèle par exemple, où sont les centromères et les télomères, où sont les contacts entre les chromosomes, où sont les régions à forte transcription. Elle aborde aussi la localisation de quelques chemins métaboliques particuliers. La question fondamentale qu’il s’agit finalement de résoudre est: qui, dans le noyau parle avec qui et que se disent-ils. Cet article ouvre le chemin. Il n’apporte pas non plus de réponse sur ce qui organise cet ordre dynamique.
– 31 – 32. ALTRUISME, PHILANTHROPIE, POLITIQUE. La néfaste politique du don. Recension de {Kallahan, 2017 #5796} dans Nature, 6.4.31-31 (2017). Avec réticence, mais quand même, je me réjouissais, en septembre 2016, de ces superriches pratiquants la mégaphilanthropie intelligente. Par exemple, les Zuckerberg et les Gates (à l’ombre de leur femme.) Le livre dont il est question ici étudie de manière critique ce phénomène qui a pris récemment une ampleur considérable. Philanthropie et bien public sont un oxymore et même si certaines de ces actions ont des effets positifs, elles minent les bases de l’État et de la démocratie.
Autre éclairage: dans Science du 24 mars 2017, 1268, on lit la chronique nécrologique de Hans Rosling, un médecin-statisticien, spécialiste de la santé publique et du développement. Il est particulièrement connu pour un séminaire TED en 2006 « The Best Stats You’ve Ever Seen » et pour son action durant l’épidémie Ebola. J’étais tout admiratif et, aujourd’hui, ému par cette notice nécrologique. Je la cite parce que les auteurs sont Bill et Melinda Gates.
C’est ainsi, le bon et le mauvais sont imbriqués. Le tout est de faire la part des choses.
07.04.2017, Science 356, 6333.
– 26 – 27. ÉPIGÉNÉTIQUE, COMPORTEMENT, INSTINCT, APPRENTISSAGE. Laurée. Dans la rubrique Hypothèse, G.E.Robinson et A.B. Barron proposent: Épigénétique et évolution des instincts. Pour le grand public, les instincts sont fixés génétiquement tandis que les comportements adaptatifs sont appris. Semblablement, la génétique est fixée tandis que l’épigénétique est adaptable. Instincts et comportement adaptatif sont vus comme deux mondes séparés. Ici les auteurs proposent de les considérer comme un continuum évolutif.
En 1986, Tierney avait proposé que les instincts évoluent à partir de la plasticité comportementale. Ainsi, si dans une panoplie de comportements, l’un favorise la fitness, il évoluera vers une fixation sous forme d’instinct. Cette idée ne s’était pas imposée, faute de mécanisme pour expliquer le passage. L’épigénétique offre ce mécanisme.
L’unité entre instincts et comportement adaptable se voit dans le cerveau; les cellules ou les régions impliquées dans ces deux types de comportements sont superposés ou voisins. La génomique du comportement élargit ces constatations en identifiant les gènes – souvent nombreux – impliqués dans les comportements. Depuis une dizaine d’années, le rôle de l’épigénétique dans la plasticité comportementale est devenu un grand thème de recherche.
L’épigénétique – qui est de la génétique, ne l’oublions pas – est adaptée à la diversité des comportements adaptatifs. Lorsque l’un d’entre eux apporte un gain de fitness significatif, sa fixation génétique n’est probablement pas très compliquée. Avant, il y a reconnaissance de marqueurs épigénétiques, après, c’est la séquence de l’ADN qui est le marqueur initial; est-ce si différent pour les mécanismes activateurs ou répresseurs? Finalement entre souplesse d’adaptation et rigueur de la réponse, c’est la fitness qui décide.
– 28 – 29, 41, 85 – 91. ÉPIGÉNÉTIQUE TRANSGÉNÉRATIONNELLE. Laurée. Un commentaire et trois articles. Comment l’inhibition épigénétique passe à la génération suivante ? En principe, je ne lis plus Science chaque semaine, pourtant, je ne peux pas laisser tomber un important bout de réponse à une question à laquelle, avec Laurée, nous avons souvent réfléchi.
Ces articles montrent que deux mécanismes complémentaires, dont chacun est d’une efficacité limitée, contribuent à passer à la génération suivante les marqueurs nucléosomiques de la chromatine condensée, donc non fonctionnelle (domaines Polycomb). Ainsi est assurée la balance entre mémoire et flexibilité. Le schéma suivant par De et Kassis (p28) dit l’essentiel.
13.04.2017, Nature 544, 7649.
C’est fou comme un no. de Science ou de Nature contient de choses intéressantes. Toutefois, comme dans la fable du singe et de la noix, il faut creuser pour les extraire. Quand je reçois un nouveau no., je commence par marquer ce vers quoi je veux revenir; une dizaine d’articles ou de commentaires. Pas facile, cette sélection. Je coche bien sûr les articles dont le sujet m’est familier et dont je tente de suivre les progrès, par exemple, la cryo-ME (196-201) ou les cellules solaires (155-6). Par contre il y a tout une flopée de domaines sur lesquels je saute à pieds joints, par exemple, les WGA (Whole genome analysis) de cancers spécifiques par des centaines d’auteurs ou la description d’une nouvelle réaction chimique dont les variantes s’étalent sur des doubles pages.
Le problème est de détecter ceux qui ne disent pas grand-chose à priori, mais qui révèlent des surprises fascinantes. Le mois passé, il y a eu l’élargissement de la notion d’intentionnalité par les souris qui naviguent dans l’espace sonore. Le présent no. est riche, mais c’est l’article sur le contrôle de la croissance d’un épithélium par les défauts topologiques qui m’intéresse doublement. D’une part il s’agit un sujet qui m’est cher, la dynamique des cristaux liquides; de l’autre, après une petite intervention chirurgicale, la réparation un peu laborieuse d’un épithélium a toute mon attention.
– 141. CLIMAT. Cette semaine. Juste pour dire que le changement climatique en cours est une grosse affaire. Une méta-analyse portant sur une centaine d’études climatiques conclut que, en poursuivant sans retenue la croissance et l’usage de combustibles fossils, le climat terrestre sera dans 200 ans plus chaud que jamais durant les précédents 420 millions d’années, c’est à dire, à peu près, depuis que les animaux sont devenus terrestres. Nature Commun, 8, 14845 (2017).
– 152 – 154. CLIMAT, ANTARCTIQUE. J. Qiu. La menace sous l’Antarctique.
L’ennui avec la carte de l’Antarctique, c’est que l’on ne sait jamais où est le nord. Disons que l’Amérique du Sud est au bout de la queue qui se dresse tout à gauche et que le glacier de Totten est en face de l’ouest de l’Australie. La chaine transantarctique divise le continent entre la partie Ouest, un peu plus accessible, et la partie Est formée d’une masse de glace 10 fois plus grande. Nous avons rapporté à plusieurs reprises les études qui mettent en évidence l’instabilité de la banquise et du front glacière de l’Antarctique-Ouest, en particulier la région du glacier de Pine island, que des courants « chauds » minent par dessous (Nature, 5.1.2017.)
Pour comprendre la dynamique de l’Antarctique, comme aussi celle du Groenland, il faut considérer trois domaines. 1) La banquise, c’est à dire la couche d’eau gelée flottante qui entoure ± le continent. Dans certaines régions protégées, elle forme les plateaux de glace (shelves) qui peuvent avoir des dizaines de mètres d’épaisseur; quelquefois de gigantesques morceaux s’en détachent. (e.g.: https://www.sciencenews.org/blog/science-ticker). La banquise joue un rôle important pour stabiliser l’écoulement des glaciers. C’est elle qui est la première sensible à l’échauffement climatique. 2) La région du front glaciaire, c’est à dire, l’arrivée des glaciers s’écoulant dans la mer. 3) La calotte glaciaire. Celle de l’Atarctique-Est est plus grande que les USA. Elle forme un vaste plateau qui s’élève jusqu’à plus de 4000 m qui enfonce de son poids le socle continental jusqu’à plus de 1000 m en dessous du niveau de la mer. On la croyait stabilisée depuis 14 millions d’années, mais des données récentes montrent qu’elle a considérablement varié en épaisseur durant les derniers millions d’années.
Il y a deux ans, pour la première fois, un brise-glace a pu traverser la banquise et atteindre l’embouchure du glacier de Totten, le plus grand de l’Antarctique de l’Est, y faire des mesures et y déposer des instruments. Ce que l’on a découvert confirme que, comme au glacier de Pine island, un courant chaud s’écoule sous la banquise et vient lécher le front du glacier. Le courant est à 03°C alors que, tenant compte de la salinité, l’eau en équilibre avec le front du glacier est à -2°C. Comme à l’ouest, la grande question est de savoir si la forme du fond glacière fait bouchon à la pénétration du courant chaud dans la profondeur du socle sous-glacière qui, en raison de la profondeur, est à une température d’équilibre de -3°C. Une différence de plus de 3° est considérable. Elle risquerait d’induire une déstabilisation majeure. L’écoulement glaciaire, la géométrie locale, la salinité des différentes régions et les canyons des profondeurs qui pourraient servir de canal d’accès de l’eau chaude, détermineront l’ampleur de l’effet. Pour le moment, faute de données on ne peut que se poser des questions.
Bref, on croyait que l’Antarctique de l’Est résisterait longtemps à l’échauffement climatique. Les résultats récents rejettent cette tranquille assurance. Comme le Groenland et comme l’Antarctique de l’Ouest, il est peut-être déjà entré dans une phase de déstabilisation dont les conséquences à terme pourraient dépasser l’effet des deux autres par un ordre de grandeur. On parle de 8 m de montée du niveau de la mer en 2500.
– 180 – 184. ETHNOLOGIE, MIGRATION, GÉNÉTIQUE. 50’000 ans de régionalisme en Australie. Homo sapiens a quitté l’Afrique quelque part entre 50 et 100’000 ans. Ensuite, il s’est petit à petit dispersé dans le monde entier (voir Nature 19.1.2017, 302.) Un de ces groupes a rapidement migré en Australie. Le présent article étudie son histoire en analysant l’ADN mitochondrial d’une collection de plus de 5000 échantillons de cheveux récoltés entre 1920 et 1970 par le Board of Anthropological Research de l’université d’Adélaïde parmi les différentes tribus aborigènes d’Australie.
Il apparait que la migration vers l’Australie depuis le Proche Orient, lieu de sortie d’Afrique, a été précoce et rapide. À cette époque (c’était un temps de glaciation) la mer était plus basse et une bande de terre existait entre la Nouvelle-Guinée et l’Australie. Les nouveaux venus se sont rapidement installés sur tout le pourtour du continent. La suite de l’histoire de ces migrants rapides est intéressante (c’est l’essentiel de l’article): une fois arrivés, ils n’ont plus bougé. Depuis 45’000 ans, une dizaine de groupes évoluent, chacun dans son coin, sans se mélanger.
Je mets cette observation en relation avec deux autres.
– Des Amérindiens exigeaient la restitution des restes des premiers américains, datant de quelque 10’000 ans, trouvés sur leur territoire. Les autorités contestaient la demande de ces « quérulents » parce que, en 10’000 ans, on se déplace et on se mélange. Récemment l’ADN a parlé. Les locaux ont raison, ils sont les descendants directs des restes trouvés sur place.
– Nature du 9.2.17, 140. Première agriculture en Asie de l’Est il y a 8000 ans. Le génome de deux individus est séquencé. Leurs plus proches descendants se trouvent dans la population du lieu.
Conclusion: Les populations migrent de temps en temps, mais en général elles restent sur place. On peut imaginer des couloirs de migrations le long desquelles se fait le mouvement. On peut aussi penser qu’une petite population en migration fait grand effet sur un tissu de population sédentaire. Les rencontres sont difficiles, mais elles font l’histoire.
C’est sans doute ce qui est en train de se passer en Europe actuellement.
– 138, 164 – 5, 212 – 6. GÉOMÉTRIE, DÉFAUT, CRISTAUX LIQUIDES, ÉPITHELIUM. Françoise L., Amélie L., François R. Les défauts de cristaux liquides organisent le champ morphogénétique d’un épithélium.
L’éditorial célèbre le 100e anniversaire du bouquin de D’ArcyThompson (On growth and forms. Cambridge: CUP), qui montrait que le design des êtres vivants obéit à des lois géométriques générales. Les structures biologiques et le développement des organismes ne sont pas qu’une affaire de génétique, la géométrie et la physique cadrent le possible. L’exemple le plus simple tient dans la constatation qu’on ne peut pas construire sur le même plan un dinosaure et une fourmi. Mon exemple préféré est l’hélice qui est la conséquence obligée de l’autoassemblages d’éléments identiques.
La géométrie des cristaux liquides et leurs défauts sont un chapitre magnifique de la physique des formes. J’y ai été initié par Yves Bouligand (Paris) et ses remarquables collaboratrices Françoise et Amélie. Nous aurions bien aimé y trouver les lois organisatrices de la chromatine dans le noyau cellulaire. Le succès de notre démarche est encore mitigé.
Le présent article réussit cette démarche dans le cas d’une couche de cellules épithéliales. Les auteurs montrent que ce tissu à 2 dimensions croît et se développe comme un cristal liquide nématique dont les cellules seraient les particules.
C’est aux défauts de type + que se décide le sort de la cellule.
173 – 9. GÉOMÉTRIE, PATERN, STRUCTURE. Un Automate cellulaire explique le dessin de la peau d’un lézard. Encore un article dans la veine de D’Arcy Thompson, mais je n’ai pas le temps de le traiter ici.
235- 9. GÉNÉTIQUE, KNOCKOUT, MÉTHOD. Saleheen et al. ≈ 50 auteurs. Knockouts humains identifiés dans une population à forte consanguinité.
Comprendre la fonction des gènes est évidemment le principal but de la génétique. En général, ce n’est pas facile parce le gène du « nez au milieu de la figure » ou de « l’intelligence » n’existe pas. La fonction est le plus souvent le résultat de l’effet combiné d’un grand nombre de gènes. Par contre, ce qui est plus directement parlant, c’est l’absence d’un gène. Depuis la fin des années 80 on sait artificiellement, rendre inopérant n’importe quel gène choisit. C’est la technique du knockout qui a valu un prix Nobel à leurs auteurs (2007). Elle consiste à introduire dans le gène une modification qui le rend inopérant (mutation LoF, loss of function). Une mutation-STOP dans une région codante fait généralement l’affaire. Dans un organisme diploïde, il faut que les deux copies du gène soient modifiées. Évidemment, le knockout n’apporte rien si son effet est léthal; dans ce cas, il n’y a rien à voir. Au départ, faire le knockout d’un gène déterminé d’une souris représentait une grosse année de travail, typiquement la base pour une thèse. Actuellement, avec CRISPR/CAS 9, c’est un jeu d’enfant (à ce qu’on m’a dit et pour ceux qui savent le faire).
Faire un knockout humain, ça ne se fait pas. Par contre, les génomes individuels diffèrent toujours un peu d’une personne à l’autre; de vous à moi, nous différons d’une base sur mille environ. Ainsi, sur un grand nombre de milliers de personnes, il faut s’attendre à ce que n’importe quelles mutations se trouvent quelque part. En d’autres termes, les individus knockouts existent naturellement pour n’importe quel gène dont le non-fonctionnement n’est pas létal. Toutefois, nous n’oublions pas que, dans un organisme diploïde, il faut que les deux allèles (les deux chromosomes) portent une mutation LoF.
Le présent travail cherche des individus portant des knockouts naturels en séquençant la partie codante du génome de plus de 10’000 personnes. Malins, les chercheurs étudient une population pakistanaise parce que dans ce pays, les mariages entre cousins sont la norme; la consanguinité est forte, la probabilité que les deux allèles soient identiques en est augmentée. Il est estimé que cette stratégie multiplie par cinq le nombre de knockouts obtenus. Dans cette étude, 1317 knockouts ont été identifiés. Cela représente 7% des gènes codant pour des protéines actuellement connues.
En soi, un knockout n’est rien sans en connaitre l’effet qu’il produit. C’est là que commence le plus gros du travail. Dans le cas particulier, les chercheurs étaient spécifiquement concernés par les maladies cardiovasculaires et le métabolisme des lipides. C’est dans ce domaine qu’ils tirent leurs conclusions physiologiques et médicales, mais l’importance du travail se révèlera dans le futur quand l’avenue sans fin ouverte ici sera poursuivie pour tout ce qui code dans le génome dans toutes les populations. Du pain sur la planche.
20.04.2017, Nature 544, 7650.
– 344 – 8 (doi:10.1038/nature22048), 349 – 52 (doi: 10.1038/nature22049). ANTARCTIQUE, GLACIER, CLIMAT. Jean-Claude K. Deux articles concernant la stabilité des glaciers de l’antarctique.
Le premier démontre l’effet stabilisateur que peuvent avoir les écoulement de surface conduisant l’eau de fonte directement à la mer par des rivières crourants sur le glacier. Le phénomène est illustré par l’observation d’une cascade de 130 m de large tombant directement dans la mer depuis le front de la plateforme glaciaire Nansen en Antarctique. Son débit est tel qu’elle pourrait vider l’ensemble de la fonte du bassin en 7 jours.
Le deuxième article montre l’importance de cette eau de fonte qui circules plus ou moins bien dans les glaciers de l’Antarctique. Tant mieux si une partie de cette eau coule directement à la mer comme l’illustre l’article précédent. À l’opposé, le présent article montre l’effet déstabilsateur qu’il faut attendre de cette masse d’eau. Il suggère que les modèles utilisés jusqu’ici et prévoyant que la fonte des glaciers de l’Antarctique contribuera pour un m de montée des océans d’ici la fin du siècle doivent être revus à la hausse.
27.04.2017, Nature 544, 7651.
– 418 9; 434 – 439. SOURIS, ENGAGEMENT PARENTAL. Lia, Laurée. Ne pas confondre l’engagement parental du mâle et celui de la femelle ni l’engagement avec les petits ou celui de la fabrication du nid. Il y a longtemps que je suis avec intérêt les études sur l’origine de l’engagement familial des musaraignes et de leurs origines génétique et physiologique. Ici il s’agit semblablement de deux espèces de souris du genre Peromyscus dont l’une pratique la rare solution de monogamie avec participation du mâle alors que, chez l’autre, la femelle porte seule le poids des petits. 12 régions chromosomiques impliquées dans ces comportements sont identifiées en croisant les deux espèces (ce qui est possible en laboratoire). 8 d’entre elles sont spécifiquement mâle ou femelles. Quelques gènes clés sont mis en évidence. Des résultats obtenus, j’en retiens deux. (i) Les gènes et les métabolites impliqués dans le comportement parental sont différents chez le mâle et chez la femelle, même quand le comportement résultant est essentiellement le même. (ii) Chez le mâle en tous cas, les fonctions de nidification et celles de soins aux petits ont des bases génétiques et physiologiques différentes. Elles sont associées à l’expression différentielle de la vasopressine dans le cerveau.
– 420 – 1; 479 – 83. PALÉOANTHROPOLOGIE, AMÉRIQUE, ORIGINE. Traces humaines de 130’000 en Californie. Généralement, on admet que les plus vieux Américains datent de quelque 15’000, venus d’Asie par le nord dès que la dernière période glaciaire s’est un peu réchauffée. Ici sont présentés des indices de présence d’Homo habile à extraire la nourriture et faire des outils il y a 130’000 ans.
Si c’est vrai, c’est une grande affaire. Mon problème, c’est que, en paléoanthropologie, la distance entre l’indice et la déduction est quelquefois étonnante. Dans le cas particulier, pas de fossiles humains, mais les restes d’un mastodonte (sorte d’éléphant américain) auquel sont associés des marques d’activité humaine telles que pierre-enclume, marteau et marques caractéristiques sur les os. La comparaison avec d’autres indices similaires dans des sites mieux caractérisés aide à donner sens aux observations.
Est-ce suffisant pour rester sur terre alors que l’imagination donne des ailes?
– 503 – 7 et aussi dans le No de la semaine passée 20.4.2017- 284 – 6. CHROMOSOME, TAD, BOUCLES, ADN.
Andrzej. Le commentaire de la semaine passée est dithyrambique. Sa forme et son ton me déplaisent. Est-ce vraiment une « complete revolution in DNA enzymology »?
Il me semble que, de plus en plus, Nature publie des articles par des journalistes scientifiques faisant le point sur un domaine, mais, surtout, mettant en évidence les, plutôt la, personne centrale au domaine. Je n’aime pas cette valorisation de quelques individus au détriment de l’ensemble. Comme l’économie financière qui valorise quelques riches au détriment de tous les autres, cette façon de voir la science favorise les dogmes et restreint la créativité de tous, des jeunes en particulier. Dans le cas particulier, il s’agit d’une découverte, peut-être importante, concernant l’établissement des boucles de DNA dans les chromosomes (TAD: topologically associated domains). Dans l’ensemble du contexte, je doute qu’elle soit « révolutionnaire ». Andrzej me le dira. En bref, il s’agit de ceci:
Il y a 40 ans Paulson et Laemmli publiaient la photo magnifique d’un chromosome étalé sans histone. (Paulson, J. R., & Laemmli, U. K. (1977). The structure of histone-depleted metaphase chromosomes. Cell, 12(3), 817-828. doi:10.1016/0092-8674). Elle montrait que l’ADN est organisé en boucles alignées sur un échafaudage de protéines non-histone. On en a débattu, souvent stérilement, pendant des décennies jusqu’à ce que les méthodes combinant génétiques et biochimie mettent en évidence les TAD. Nous en avons parlé souvent ici, par exemple, ci-dessus, Nature 06.04. 2017.
Cet article de Busslinger et al. apporte des éléments nouveaux sur la façon dont se font les boucles de l’ADN (TAD – topologically associated domain) le long des chromosomes. À la base de la boucle et du mécanisme il y a la protéine cohésin qui tient les deux bouts ensemble. Le modèle discuté ici commence par l’encerclement de deux points voisins de l’ADN par la cohésin. L’ADN circule ensuite dans l’anneau – ou les anneaux – de cohésin pendant la transcription. La protéine CTCF (CCCTC binding factor) détermine les deux séquences d’ADN sur lesquelles la circulation doit s’arrêter, fixant ainsi l’extension exacte de la boucle.
Fig tirée du commentaire du 20.4 |