Le directeur de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) est un défenseur convaincu de l’énergie nucléaire. On peut le comprendre. On peut aussi lire sur ce blog plusieurs commentaires qui vont dans le même sens. Personnellement, je suis persuadé que l’énergie nucléaire est un non-sens. Vous le savez, je ne suis pas un expert, mais la situation me semble claire. Je vous propose les principaux arguments qui forment mon opinion. Vous jugerez ; peut-être commenterez-vous. Merci d’avance.
Il faut sortir des combustibles fossiles et il faut le faire très vite. On ne peut pas attendre pour lancer la révolution de l’énergie; il faut qu’elle soit achevée avant 2050.
C’est possible parce qu’en Suisse, comme dit la chanson,
– y’a du soleil, y’a du soleil sur les chemins, sur les chemins
– y’a du vent qui court dans la plaine…
Libérées des carcans administratifs, ces deux sources d’énergie sont la base de la solution. Elles sont plus qu’abondantes, durables, moins chères que toutes les alternatives et elles n’induisent que très peu de gaz à effet serre (GES). De plus, il est possible de les installer rapidement avec les moyens de chez nous. Bien sûr, il faut regarder ces affirmations de près. Les sources ne manquent pas. Je me réfère par exemple à l’analyse du contexte suisse par Roger Nordmann (Le plan solaire et climat. Éditions Favre, 2019). Parmi les professionnels des énergies renouvelables, j’apprécie particulièrement les explications solides et claires de Christophe Ballif, https://portal.klewel.com/watch/webcast/rdv-energie-2021/talk/4/. Il est un de ceux qui ont rendu notre pays leader des technologies photovoltaïques.
Ainsi, soleil et vent forment une base solide pour élaborer le mixe énergétique Suisse qui nous permettra de sortir sans trop de mal des combustibles fossiles et du nucléaire. Ensemble, ils se complètent élégamment, car c’est en d’hiver, quand la production solaire est la moins bonne, que le vent est le meilleur. Ces deux ne seront quand même pas suffisants. Heureusement, nous avons nos barrages et la remarquable capacité de pompage-turbinage déjà installée. Elle pourra être augmentée, mais ces gros travaux prendront du temps. Il y a aussi la géothermie, les biogaz, etc. À terme, disons vers 2050, je vois que le soleil associé à l’hydrogène et ses technologies complémentaires constitueront le mixe idéal qui couvrira, pour longtemps, les besoins énergétiques de notre société. À ce moment-là, si nécessaire, nous pourrons démolir les éoliennes que certains n’aiment pas.
Revenons au point de départ, le nucléaire. Pas de chance, toutes nouvelles capacités seront longues et chères à construire, chères à faire fonctionner, et chères à entretenir. Cinquante ans plus tard, quand la centrale aura fini de servir, on saura peut-être la démolir et refaire place nette sans dépasser les réserves financières mises de côté à cet effet. Qui sait, l’ex-centrale de Mühleberg sera peut-être le fleuron de feu l’aventure nucléaire suisse. Mais l’histoire ne s’arrêtera pas là, ni son coût pour la société. Savez-vous où se trouvent actuellement les pires résidus du combustible nucléaire suisse usagé, une fois la radioactivité courte calmée et après qu’ils aient été nettoyés de ce qui ne pose pas trop de problèmes ? À Würenlingen, au-dessus d’une petite falaise de l’Aare, dans des conteneurs en aciers résistants même à la chute d’un avion. https://www.kernenergie.ch/fr/zwilag-le-centre-de-stockage-intermediaire.html. J’ai confiance, chez nous, ces très vilains matériaux sont en sécurité. Je suis même presque certain que, si les gens de Greenpeace tentaient une action pour y placer un pétard afin de montrer que la sécurité n’est pas sans faille, ils n’y arriveraient pas.
Quoiqu’il en soit, ces résidus hautement radioactifs devront bien finir quelque part. Pour le moment, on ne sait pas où. Nos enfants et petits enfants et leurs lointains descendants trouveront la solution. Chouette cadeau !
Personnellement, et contrairement à la majorité des autres antinucléaires, la question du stockage définitif ne m’inquiète pas outre mesure. L’idée de les enfouir mille mètres sous terre dans des couches géologiques qui n’ont pas bougé depuis 200 millions d’années me semble une solution autrement meilleure que l’attente indéfinie dans des conteneurs au bord de l’Aare, même si la Zwilag est une firme très sérieuse dans un pays très solide. Un jour pourtant, il faudra décider. Qui va le faire, qui va payer ?
Pour moi, l’argument le plus fort contre le nucléaire est ailleurs.
Depuis que le réacteur suisse a fondu dans la caverne de Lucens, le 29 janvier 1969, le rêve irréaliste d’une filière nucléaire suisse est enterré, mais, bizarrement, l’aventure nucléaire mondiale prétend continuer malgré ses énormes casseroles et un bilan pour le moins ambigu. En effet, il y a actuellement moins de 500 centrales nucléaires en service dans le monde, elles fournissent à peu près 3,5% de toute l’énergie que le monde consomme. Des cacahuètes ! Que d’histoire pour si peu ! Si on voulait être sérieux, si on voulait que l’énergie nucléaire apporte vraiment une contribution significative à la diminution des émissions de gaz à effet serre, il n’en faudrait pas 3,5%, mais 35 ou 50% . En d’autres termes, c’est au moins 5000 centrales « standard » qu’il faudrait construire dans le monde en une ou deux décennies. Réfléchissons ensemble à ce que cela signifierait. Par exemple, ou va-t-on les placer ? La réponse est toute vue ; il faut les placer là où on en a besoin, c’est-à-dire autour des grandes villes. Wikipédia nous en propose 34 qui ont plus de 10 millions d’habitants (https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_villes_par_population). Parmi elles, Delhi en Inde, Mexico, Dacca au Bangladesh, Karachi et Lahore au Pakistan, Lagos et Kinshasa en Afrique. Autour de chacune d’elles, il s’agira de construire plusieurs centrales. En tout, il y en a 5000 à distribuer. Je m’arrête. Vous avez compris. Ça ne va pas … et ça n’ira pas mieux avec les filières alternatives que l’on évoque quelques fois tels que les surgénérateurs ou les réacteurs au thorium.
Permettez une mention spéciale pour la fusion : on prend de l’hydrogène, on chauffe, on obtient de l’hélium et beaucoup d’énergie comme dans le soleil. Très bien. Peut-être un jour. Pour le moment, voilà 50 ans qu’on nous l’annonce, et, chaque dix ans, la promesse et retardée d’à peu près autant. Aujourd’hui, on en est là ! https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines. Si vous le voulez bien, je propose d’en reparler après 2050, quand nous aurons fini de décarboner notre société.
Dernier point, peut-être le pire, la maîtrise de l’énergie nucléaire civile est issue des bombes atomiques. Malgré tous les efforts qui ont été faits pour séparer ces deux filières la menace atomique militaire ou terroriste me semble pire que jamais. L’horloge du Bulletin of Atomic Scientists marque actuellement une minute et 40 secondes avant minuit. https://thebulletin.org/doomsday-clock/.
Cessons de jouer avec le feu.
Merci de m’avoir lu. J’espère vos commentaires.