Il faut lire Julia Steinberger et son article du 19 juin 2022 dans le Courrier.
https://lecourrier.ch/2022/06/19/un-jeune-desespoir/
Sous le titre de « Un jeune désespoir », Julia relate la dure expérience de sa récente rencontre avec une classe de jeunes qui n’attendent plus rien de leurs aînés. Ils se sentent trahis et abandonnés par ceux qui devraient agir mais ne le font pas, alors que, aux jeunes, les moyens d’action leurs sont refusés.
J’ai moi-même vécu des moments semblables ; par exemple face à une salle de 300 jeunes d’une école où j’avais aussi été élève il y a plus de 60 ans. Une fois ma présentation terminée, une majorité des auditeurs est vite retournée à ses activités coutumières, mais un fort groupe est resté. Visiblement ils en voulaient davantage, ils avaient le besoin de s’exprimer. La discussion intense dura longtemps. Petit à petit, les participants retournaient aussi à leurs autres activités. Finalement, il n’en resta plus qu’un. Il me dit d’un air sombre: « Alors moi, je fais quoi ? ».
« Aïe », ai-je dit, « je n’aime pas ta question ». Je ne savais que répondre, mais je ne pouvais pas me défiler. Alors, j’ai essayé de gagner du temps. Je lui ai demandé qui il était. Il avait 21 ans, il était Syrien, réfugié en Suisse depuis 5 ans et l’an prochain, il aura sa matu.
Qu’auriez-vous répondu à ma place ?
Finalement, j’ai dit, « Écoute ! Nous ne connaissons pas l’avenir. Deux extrêmes sont possibles. D’une part, l’horreur, dans le chaos général. De l’autre, le Monde réinventé dans l’harmonie partagée. La réalité sera quelque part entre ces deux extrêmes. Tu en es et tu en seras acteur. Tu as la liberté de choisir – un peu – le sens dans lequel tu va t’engager. Vas-y !»
La réponse à ce jeune ne peut en rester là. Elle en appelle une autre : «Alors nous, générations des aînés, on fait quoi ?»
Jusqu’il y a quelques années, la bonne conscience et la tranquille assurance que notre monde est solide et que l’avenir est prometteur prévalaient dans nos pays.
Depuis, beaucoup de choses ont changé. Chez nous chacun sait, plus ou moins, que notre Monde n’est pas durable et que notre civilisation fonce dans le mur. La conséquence qui en est tirée ne va pas bien loin. Dans les pays développés, a plupart d’entre nous pensent quelquefois à trier les déchets et à éteindre la lumière en sortant. Presque toutes les nations ont décidé de mettre fin à l’ère du carbone en 2050 ou pas trop après mais, dans le fond des choses, on ne fait rien, ou presque. La quantité de CO2 déversée annuellement dans l’atmosphère continue d’augmenter. À Pâques, l’aéroport de Genève s’est réjoui d’avoir presque retrouvé son activité des plus beaux moments. Les habitants de ma petite ville de Morges ont décidé, à une forte majorité, que le un pourcent d’impôt pour le climat proposé par le Conseil communal était trop cher en ces temps où tout augmente. Rien de nouveau, la petite loi sur le CO2, refusée il y a deux ans, avait donné le ton. Depuis, persévérante, Mme Sommaruga remet sur le métier un nouveau projet de loi, tout aussi insuffisant. Le virus, Poutine, rien n’y fait, j’aurai envie de dire… au contraire.
Bien sûr, toutes les mesures qui retiendront quelque peu la marche vers le chaos et la décomposition de notre société sont bonnes à prendre – merci à ceux qui y poussent – mais, pour que les générations à venir puissent se construire une vie harmonieuse dans un monde bienveillant, le compte n’y est pas. Pour la vie et le climat, nous avons besoin d’une révolution sociale et politique d’une autre ampleur.
Il y a presque deux mois, sur ce blog, j’appelais notre Conseil fédéral et notre Parlement à prendre enfin les choses sérieusement en main et, à nous citoyens et citoyennes, à agir avec force pour soutenir son courage.
A-t-on progressé ? Je ne sais pas mais je sais, et j’en suis bouleversé, que le désespoir de nombreux jeunes est insupportable. Il faut le vaincre. Le vieux désespoir serait forcément le corollaire de l’échec.
On en est là. On continue.