Souvent, je rencontre des classes d’écoliers ou de gymnasiens, parfois aussi des groupes moins jeunes. J’aime toujours ces moments – parce que je suis bavard et – parce que, le plus souvent, ils débouchent sur des discussions intéressantes. Évidemment, je parle de la crise de la vie et du climat. On peut imaginer que le sujet est usé ; mais non, l’expérience montre que la plupart des gens n’en savent pas grand-chose. Alors, j’ai pris l’habitude de commencer en projetant deux ou trois diapositives destinées à assurer les bases ; celle-ci, par exemple.
Il s’agit de la courbe qui montre comment la concentration du CO2 dans l’atmosphère augmente au cours du temps. Non seulement elle monte, mais, si on regarde bien,
on voit qu’elle monte de plus en plus vite. L’essentiel de la crise du climat est là. La plupart des gens le savent ; peu l’ont compris.
À partir de là, j’aime aller un peu plus loin. Je demande à l’assistance la raison de cet étrange « tremblement » qui marque la courbe d’année en année. Le plus souvent, les gens n’y ont pas pensé ! Il faut insister pour que quelqu’un s’aventure à en donner la raison : le CO2 de l’air est la substance de la vie ; la végétation s’en nourrit au printemps et le rejette en l’automne. C’est facile quand on a compris, une certaine satisfaction se lit dans l’auditoire.
Alors, j’en rajoute une couche. « Eh ! Ce cycle des saisons est pour l’hémisphère Nord ; où donc est passé l’hémisphère Sud ?» La réponse vient rarement de la salle. Il suffit pourtant de regarder une mappemonde pour constater qu’il y a beaucoup plus de terre émergée au Nord qu’au Sud.
Je parlais l’autre jour à une audience d’adultes mûrs et cultivés. Ils ne dormaient pas – cela aurait pu être une explication – ils semblaient intéressés par mon exposé, mais il a fallu pas mal de soutien de ma part pour répondre à la question du tremblement de la courbe et personne n’a su poursuivre sur le problème du Nord et du Sud. Peut-être avais-je mal dormi, toujours est-il que je me suis fâché. « C’est incroyable, vous avez devant vous le récit réaliste de la catastrophe qui est en train de détruire notre société, nous avec, et vous ne savez même pas le lire. Les images de Jhéronimus Bosch vous parleraient sans doute davantage ! »
Vint enfin la discussion. Elle se déroula fort civilement et se termina par une intervention inhabituelle : « Vous savez, vos courbes, vous pouvez les garder. Je n’en ai pas besoin. Vous, les savants, mettez-vous plutôt d’accord et dites-nous une bonne fois ce qu’il en est. »
« Merci d’avoir été aussi directe. Votre opinion est rarement exprimée, mais je soupçonne qu’elle est souvent partagée ».
On peut le comprendre parce que comprendre est difficile ; le monde est si grand alors que notre tête est si petite. Ainsi, beaucoup – la plupart peut-être – laissent à d’autres cette tâche éreintante, mais, ce faisant ils acceptent les fakes news, les réalités alternatives, les manipulations des lobbies ; surtout, ils tuent la démocratie.
Ce blogue a pour titre « Comprendre parce que c’est important. »
Je ne peux que vous y inviter.