Que voilà un beau paysage ! La photo a été prise par Gilles Dubochet en juillet 2022, au haut du val d’Hérens, à peu près au niveau du dessableur de Ferpècle. L’endroit nous est cher. Depuis 40 ans, nous l’avons adopté. À l’époque, nous venions pique-niquer ici, avec les enfants, à la jonction des deux glaciers. Celui de Ferpècle descendait par la vallée de gauche. Il s’y est maintenant retiré. Pour voir ce qu’il en reste, il faut monter à Bricola, bien haut à gauche. De droite, venait le glacier du Mont Miné. Il est toujours là, exhibant, année après année, la douloureuse cicatrice de son retrait. 

Admirez la richesse de ce magnifique biotope de végétation alpine montant jusqu’à se perdre dans le monde minéral. Il est tout neuf, presque vierge. Pour y arriver, il y a quelques sentiers forestiers et une laborieuse « route » caillouteuse, interdite aux voitures, pas de télécabine, très peu d’hélicoptères. J’y ai vu se poser des parapentistes venus tout droit de la Dent Blanche. Connaissez-vous un plus bel endroit pour se ressourcer et vivre l’amour de la nature ?

De tels lieux, nouvellement créés par le retrait des glaciers, il y en a beaucoup de par le monde. Sans compter les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland, les glaciers du monde occupaient 665’000 km2 en 2022. C’est plus que la France, 16 fois la Suisse. Un récent article par Jean-Baptiste Bosson et col., publié dans Nature le 16 août (https://rdcu.be/djDV3) en fait le compte et tente d’évaluer ce qu’il en adviendra à la fin de notre siècle selon quelques scénarios d’échauffement du climat caractérisés par le GIEC. En gros, il faut s’attendre à ce qu’un quart ou la moitié de la surface glacière aura disparu à la fin du siècle… Comme c’est triste ! Comme le montrent les auteurs, rien ne remplace les glaciers si importants pour l’équilibre de notre planète !  Mais ces derniers montrent aussi que cette même surface se transformera en nouveaux biotopes libres et vierges qui pourront servir de refuge pour le vivant et que nous avons tout intérêt à préserver. Quelle chance ! 

Du malheur de la disparition des glaciers, un homme, en particulier, veut en faire un bien commun au bénéfice de la planète et de nous tous. Il s’appelle Jean-Baptiste Bosson, il est Dr glaciologue-géomorphologue, suisse et français et chargé de mission scientifique au Conservatoire d’Espaces Naturels de Haute-Savoie à Annecy (http://www.cen-haute-savoie.org). À ce titre, il tente de convaincre l’État français pour que ce dernier assure la protection des zones fraîchement libérées de glace. Il est aussi consultant à l’Union internationale pour la conservation de la nature, UICN (https://www.iucn.org/fr) dont le secrétariat mondial se trouve à Gland. Il est surtout l’initiateur et le moteur d’Ice&Life (https://www.iceandlife.com), un projet visionnaire sur lequel je souhaite attirer votre attention et votre engagement. 

Le principe est simple ; en plus de limiter les émissions globales pour sauver les glaciers, il s’agit de faire en sorte que les zones englacées et fraîchement déglacées soient protégées, pour limiter les menaces actuelles et futures et maintenir ces zones importantes et fragiles en libre évolution. Autrement dit, mieux protéger dès aujourd’hui ces écosystèmes clés et aussi la nature du futur qui naitra dans ces zones avec les conséquences du changement climatique. Les glaciers, les lacs, les forêts, les zones humides, les fjords, les déserts froids du futur…  Le combat sera local. Par exemple, dans le cas illustré sur l’image, il faudra que la population et les autorités communales d’Évolène adoptent l’idée et se mettent au travail avec les détenteurs de droits d’exploitation de l’eau de cette région. En France, Ice&Life est plus avancée. Ses acteurs travaillent sur plusieurs projets concrets. Mais, bien sûr, c’est au niveau mondial que le projet prend tout son sens, à l’heure où l’ONU a placé 2025 comme l’année internationale pour la préservation des glaciers. Un exemple nous encourage : le 19 juin de cette année, les 193 États membres de l’ONU ont adopté un accord juridiquement contraignant pour protéger la biodiversité marine de deux tiers des océans de la planète. Il a fallu 20 ans de négociations acharnées pour y arriver, mais, maintenant, c’est fait ! Finalement, c’est bien à ce niveau qu’Ice&Life devra se réaliser. Ce fut possible pour la diversité des océans. Comme le monde semble lentement comprendre que la nature est précieuse, je me plais à croire que le grand projet Ice&Life est aussi réalisable. En tous cas, il est nécessaire. Soutenons-le, selon nos compétences et nos moyens.  

Merci à Jean-Baptiste Bosson de m’avoir fait connaître Ice&Life.