Le monde a plein de problèmes ; en six coups de pinceau, je les résumais dans l’article d’entrée de mon nouveau blogue (https://www.dubochet.ch/jacques/?p=1551). Remettre le monde sur la bonne voie sera difficile, mais, la crise de l’énergie, ne devrait pas être au nombre des choses qui empaniquent nos concitoyens; nous savons ce qu’il faut faire, nous en avons les moyens. Pourtant, ces moyens ont été systématiquement sacrifiés sur l’hôtel des énergies fossiles et du dollar facile. Seulement voilà, la nature ne joue plus le jeu. De plus en plus de gens se rendent compte que notre solution favorite est une impasse mortelle. La Suisse va-t-elle enfin se bouger et se mettre au travail ? Courage !
Le chemin est bien tracé. Il est basé sur la triade de l’énergie éolienne, photovoltaïque et hydraulique (EPH). Les détails sont présentés de manière convaincante, par exemple dans le livre de Roger Nordmann:
Nordmann, R. (2019) Le plan solaire et climat. Lausanne: Éditions Favre.
Comme son nom l’indique, la triade prend son sens dans la combinaison de ses éléments; le vent ne souffle pas toujours, il n’y a pas de soleil la nuit, les barrages ne peuvent rendre que l’eau qui y entre. Heureusement, la complémentarité joue ; c’est durant les nuits d’hiver que les éoliennes produisent le plus d’énergie, il y a bien assez de place pour tous les panneaux solaires que l’on peut souhaiter, et les turbines hydrauliques réagissent presque instantanément. Cerise sur le gâteau, actuellement, dans le monde, ce sont les éoliennes, suivies de près par les panneaux photovoltaïques, qui fournissent, au meilleur compte, la nouvelle électricité dont nous avons besoin. On parle de deux à quatre centimes par kWh. Le calcul du prix de l’électricité hydraulique est plus compliqué puisqu’il nécessite des investissements à très long terme. Je note toutefois que, dans ma vallée valaisanne, nous achetons dorénavant le kWh à 30 centimes. Cherchez l’erreur !
On la connaît.
La Suisse, s’inquiète, procrastine et préfère en rester à notre coûteux confort que l’on paye comptant aux tristes États des combustibles fossiles. Alors que notre pays a investi massivement dans les barrages au siècle passé, l’initiative « pour un fonds climat » tente de récolter, jusqu’au 6 mars 2024, les signatures pour que 0,5 à 1% du produit intérieur brut soit consacré à l’« encouragement d’une politique énergétique et climatique socialement équitable. » (https://www.sp-ps.ch/fr/campagne/fondsclimat/.) C’est bien, mais c’est bien tard et c’est bien peu, alors que nous courons sans faiblir à la catastrophe qui va engloutir notre civilisation.
L’autre blocage provient du fait que les Suisses sont compliqués. Un exemple l’illustre. Pour donner sens à la triade EPH, nous avons besoin d’un bon millier de grandes éoliennes. Depuis des dizaines d’années, nos pays voisins s’y sont mis à grande échelle. En Suisse, nous en avons 41. Six nouvelles ont été inaugurées à Sainte-Croix le 10 octobre. Elles seront incessamment mises en fonction. J’étais invité à la manifestation. J’ai pu clarifier mes idées.
L’origine du projet remonte à 1998. Vinrent ensuite 23 années de tractation entre Romande Energie, les autorités et les habitants. La permission de construire a été accordée presque exactement deux ans avant l’inauguration du 10 octobre 2023. Ainsi, il a fallu dix-huit ans de négociation pour arriver aux deux ans de la construction. Le site comprend 6 turbines qui produiront 22 millions de kilowattheures par année, soit l’équivalent de la consommation électrique de la commune de Sainte-Croix. Une fois connecté, le site augmentera de 15% la production éolienne du pays.
L’image en tête d’article est une vue du lieu-dit la Gittaz-Dessus et du Mont-des-Cerfs avec la route de chantier qui conduit à l’une des éoliennes, celle au pied de laquelle s’est tenue la cérémonie inaugurale. La route est large (3,5m) pour permettre le transport des pales en position semi-dressées. Elle sera réduite à 2,5m. Deux éoliennes sont aussi visibles sur cette image. Personnellement, je les trouve plutôt belles.
Le combat fut farouche entre les habitants du lieu qui s’opposaient à la dénaturation de la région et les promoteurs du projet. J’y relève deux personnalités remarquables : Michel Bühler, chansonnier de Sainte-Croix et Florence Schmidt, ingénieure climatique. Dans notre famille, nous aimons Michel. Nous le connaissions personnellement, nous admirons son engagement humain. Nous écoutons ses chansons. Il est mort d’une crise cardiaque le 7 novembre 2022. Florence est la belle fille d’un ami du village voisin. Nous l’admirons aussi. Elle est la cheffe du Gree (https://gree-suisse.ch). Elle conduit depuis 12 ans le projet des éoliennes de Sainte-Croix. Peut-on dire qu’elle a gagné la guerre de la technique contre la nature ? Pour moi, il s’agit bien plus simplement de la lutte pour la survie de notre civilisation. Point barre. Le reste est subsidiaire.
Le dix octobre, à la Gittaz-Dessus, ceux qui ont lutté pour le projet étaient sans doute majoritaires mais, les opposants étaient là aussi. J’en ai rencontré un bon nombre. Ils m’ont tous dit, tranquillement, que le temps des combats est passé et qu’il faut maintenant aller de l’avant.
La Suisse deviendrait-elle plus simple ? Je l’espère parce que nous en avons besoin.