La Suisse, l’Europe, les pays riches, tous luttent pour préserver la bulle technofinancière, garante de leur confort et de leur profit. Tous savent aussi qu’elle va crever. Tant pis, on continue ; on vote à droite, on laisse les activistes du climat mariner dans leur écoanxiété, on renvoie les femmes à la maison et on se rit de la gauche que l’on voudrait caduque.
Pas de chance, le pari est perdu ! Pourtant la marche de notre société vers l’abîme semble bien assurée ; avec les installations que les exploitants de l’or noir ont déjà mises en place et l’ahurissant aveuglement des capitaines de l’industrie, la limite des deux degrés est déjà condamnée. Nous sommes en route vers trois, quatre ou cinq degrés centigrades.
Tous les scientifiques sont formels, nous courrons à la catastrophe. Quelle catastrophe ?
Les scientifiques ont posé le cadre permettant d’y réfléchir. Pour une mise au point express, on peut lire la courte analyse de Thomas Piketty dans Le Monde, du 14.11.23 (https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2023/11/14/prendre-les-brics-au-serieux/). Je recommande aussi les travaux d’Andreas Malm, chercheur engagé à l’université de Lund en Suède. Son petit livre, Comment saboter un pipeline (2020, ISBN : 9782358721950) constate que l’économie des énergies fossiles est en croissance conquérante. Elle ne va pas abandonner ses acquêts (dont l’exploitation a déjà condamné l’espoir des 2°C de la COP de Paris), ni les plans déments de croissance sans borne. Malm constate aussi que le reste du monde ne se laissera pas mourir sans réactions. On n’en parle pas beaucoup, mais la guerre des fossiles a déjà commencé.
Pour le reste, il faut s’adresser aux romanciers. Piketty cite le roman de Kim Stanley Robinson, Le Ministère du futur. (2023, ISBN : 1028120869). Je suis en train de le lire. Très raisonnablement l’auteur imagine qu’il faudra que la catastrophe de la vie et du climat prenne toute son ampleur pour que le monde enfin se décide à réagir. Cela passera par les millions de morts des extrêmes climatiques, l’effondrement de l’équilibre des espèces vivantes, et l’économie fracassée par écoterrorisme. La bulle technico-financière est fragile, elle crèvera. Ce sera mauvais pour tous, mais l’humanité peut réagir. Subtilement, l’auteur est optimiste.
Ici et maintenant, la réalité nous reste. Elle nous laisse une tâche : faire en sorte que la transition écologique soit pleinement établie avant que tout le reste ne soit cassé.
Y’a du boulot. On continue !