Initiative pour l’interdiction des armes nucléaires. Recension: Nuclear War par Annie Jacobsen.

Reprenant l’usage de mon blogue en août 2023, je faisais le point sur les problèmes essentiels auxquels notre monde est confronté.

(https://www.dubochet.ch/jacques/?p=1551)

Il y avait le climat, la biodiversité, le néolibéralisme, le vivre ensemble, l’intelligence artificielle. Tonnerre ! J’oubliais les bombes atomiques. C’est bizarre parce qu’il y a 60 ans que l’énergie nucléaire m’inquiète et motive beaucoup de mes engagements. Reprenons donc.

Les armes nucléaires sont fondamentalement insupportables. Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a été signé le 7 juillet 2017 lors de l’assemblée générale des Nations unies.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Traité_sur_l%27interdiction_des_armes_nucléairesIl a pris force le 22 janvier 2021, lorsque 50 états l’ont ratifié (ils sont plus de 90 aujourd’hui.) La Suisse a été très active lors de l’élaboration du traité. Les instruments pour sa ratification sont déposés à Genève. La Suisse n’a pas signé ! C’est incroyable et honteux. 

Le 2 juillet 2024, nous avons lancé l’Initiative populaire fédérale
« Pour l’adhésion de la Suisse au Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires (initiative pour l’interdiction des armes nucléaires) ».
https://www.bk.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis564.html.
Êtes-vous convaincu que cette initiative est importante et qu’il est urgent de la signer ? Si ce n’est pas le cas, je vous propose de prendre connaissance de l’argument qui m’a récemment bouleversé. Il s’agit d’un roman de politique fiction horriblement réaliste : Jacobsen, A. (2024). Nuclear War. London: Transworld Publisher.Annie Jacobson est une autrice d’investigation américaine. Depuis plus de 10 ans, elle étudie comment les USA – et quelques autres nations – se préparent à utiliser – ou non – leurs armes nucléaires. On dit, dans le milieu du TIAN, que cette femme a acquis une connaissance inégalée dans ce domaine où le secret est pourtant un élément constitutif. Elle nous en dit beaucoup dans Nuclear War, son dernier roman dans lequel s’entremêlent ses connaissances extraordinaires de la réalité pathologique de l’institution militaire avec la trame d’une histoire d’épouvante. L’autrice est habile. Elle sait nous prendre au ventre. 

En voici une courte recension. Une traduction en français est annoncée pour novembre. 

Après une courte introduction historique, le récit se développe en 4 parties haletantes. 

24 premières minutes. Quelques dixièmes de secondes après le lancement par la Corée du Nord d’une fusée intercontinentale en direction des États-Unis, là-haut, à 36’000 km de la terre, un satellite géostationnaire du système SBIRS détecte cette soudaine source de chaleur. Il va la suivre pendant environ 5 minutes, jusqu’à ce que le missile entre dans sa phase balistique et devienne indétectable par les senseurs thermiques. Plus tard, le réseau des radars au sol reprendra la difficile poursuite. L’appareil militaire US de sécurité nationale tourne à plein régime. Les Américains savent qu’un objet, sans doute une bombe atomique, fonce vers le Pentagone ou la Maison-Blanche. Dans le chaos, l’entourage du Président le convainc d’ordonner une contre-attaque. Une centaine de missiles partent pour détruire la Corée du  Nord. Pris entre ceux qui doivent le protéger et ceux qui devraient le conseiller, le Président est emmené dans son hélicoptère. Les tentatives d’abattre le missile échouent. Il ne reste qu’une dizaine de minutes avant l’explosion. C’est trop peu. Fin de la 2e partie.

24 minutes suivantes. Depuis des semaines, la Corée fait laborieusement progresser vers la Californie, un sous-marin porteur d’un missile nucléaire à courte portée. La bombe explose sur le complexe de centrales nucléaires de Diablo Canyon (elles existent vraiment : https://en.wikipedia.org/wiki/Diablo_Canyon_Power_Plant). La bombe qui fonce vers Washington n’est pas encore arrivée, mais maintenant, tout le monde sait que le pays est en guerre nucléaire. Il serait grand temps que le Président parle avec son homologue russe, mais le premier vient d’être vidé de son hélicoptère promis à la destruction dans quelques minutes. Il se balance en parachute accompagné par trois gardes qui portent avec eux la précieuse valise du code. L’atterrissage du président ne se passe pas bien. Il est blessé ; on ne sait même pas où il est. Le secrétaire à la défense accompagné de son entourage proche a plus de chance. Parti un peu plus tôt dans un avion plus rapide, il approche maintenant du Complexe de Raven Rock, à 70 km de Washington, où se trouve le centre de commandement de l’armée de l’air. Il y arrive « sain et sauf » quoi qu’aveuglé d’avoir quand même regardé l’explosion sur le Pentagone. 

Pour le président russe, la situation est relativement claire. Cent missiles, sans doute porteuses de bombes nucléaires, s’approchent de la Russie. Où vont-elles ? Vont-elles bombarder la Russie ou ne font-elles que passer en direction de la Corée du Nord ? Le hasard de la géographie veut que le chemin soit le même. Si, dans quelques minutes, c’est la 1re possibilité qui se révèle la bonne, la possibilité de contre-attaque russe sera compromise. Dans l’incertitude et sans dialogue avec son homologue américain, le président russe lance l’ordre d’une frappe maximale sur les USA.

24 minutes suivantes et finales.

C’en est trop, mais ce n’est pas fini. La Corée du Nord a encore quelques mauvais tours dans son sac. Au point où ils en sont, les Russes ne vont pas laisser l’OTAN et ses armes européennes en paix. Quant aux Américains, même sous une pluie des fusées russes, il leur en reste plus qu’assez pour finir d’anéantir le monde. On arrive au bout. La guerre est jouée. Le combat cesse faute de combattants. 

Deux ans qui suivent et plus. 

Le monde est en feu. L’incendie va durer des mois. La fumée noire et toxique couvre le monde. La température s’effondre. C’est l’hiver nucléaire. Y aura-t-il des survivants ? Éventuellement, quelques-uns dans l’hémisphère nord. Peut-être quelques populations du côté de l’Australie. Pour les survivants, c’est un retour en arrière de quelques dizaines de milliers d’années. 

Beaucoup plus tard, ils auront peut-être inventé une nouvelle civilisation, mais ceci n’est pas le sujet du livre d’Annie Jacobsen. L’autrice en reste à la destruction de notre civilisation pour cause de folie nucléaire. 

Le roman aurait pu être autre. 
– Peut-être que le régime de la Corée du Nord n’est pas si mauvais que ce qu’on en dit ici. Peut-être aurait-on pu discuter et construire un arrangement raisonnable.
– Peut-être que les Américains auraient pu attendre un peu avant de lancer la destruction de la Corée du  Nord.
– Peut-être que les présidents américains et russes auraient pu se parler. 
– Peut-être que le président russe aurait fait le pari que les missiles vers la Corée n’étaient pas pour lui. 
– Peut-être que les décideurs américains auraient pu se dire que, foutu pour foutu, il n’est pas nécessaire que tout le monde y passe.

Oui, le roman aurait pu être autre, mais l’autrice a choisi de s’en tenir à un message fort et simple qu’elle veut rendre convaincant: les armes nucléaires sont un péril mortel pour tous les humains, maintenant, ici et partout ; il est vital d’en sortir.

C’est pour cette raison que, maintenant, ici, chez nous, il faut soutenir l’initiative pour l’interdiction des armes nucléaires et exiger que nos autorités fédérales signent enfin le traité

La feuille de signature se trouve ici.
https://atomwaffenverbot.ch/wp-content/uploads/2024/07/ALL_A4_10_FR.pdf