Quelques nouvelles scientifiques récentes. Nature, le 1.8.2024

Je ne sais pas si je vais reprendre l’ancienne habitude d’inscrire sur mon blogue ce que j’apprends et qui me fait plaisir à comprendre. Allez, on y va pour un coup !

Pour commencer.

À propos de la soi-disant « Intelligence » artificielle.

Nature 632, 18-19 (2024), doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-02420-7

C’est vrai, nous sommes tous impressionnés par ChatGPT et les LLM (large language model, grand modèle de langage) mais nous n’oublions pas que, dans la situation actuelle, ils ne sont basés que sur les mots et les images qu’on leur fourgue. Leur pseudo-réalité est purement construite. Elle n’a rien de directement relié à la nature. Cela pourrait changer. 

Mais pas de cette façon ! 

Établir les bases de données sur lesquelles les LLM sont construits et coûteux et nécessitent beaucoup de travail humain. Puisque ChatGPT et consorts sont si bons à créer des histoires et des images, ne pourrait-on pas élargir la base de données par ce que produisent les LLM ? Il n’y a pas besoin de se creuser l’esprit bien profondément pour comprendre que cette solution de facilité correspond au serpent qui se mord la queue. L’article auquel je me réfère ici étudie ce qui se passe alors et donne quelques exemples convaincants. Que dites-vous de celui-ci ? C’est ce qui se passe quand on demande à un LLM de reconstruire la première image puis d’en intégrer le résultat dans la base de données du programme, et ainsi de suite. 

Une image contenant homme, Visage humain, collage, Barbe humaine

Description générée automatiquement

Il n’empêche que je vois d’ici venir la mauvaise habitude qui consisterait à accepter la pseudo-contribution de l’ordinateur en se retenant toutefois d’en mettre trop. Est-ce que 10% de réel complémenté par 90% de fake pourraient faire l’affaire ? Peut-être que oui. Quelle belle économie et quel beau sujet d’étude !

Alzheimer.

Nature 632, 19 (2024). doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-02369-7

Ceux qui sont atteints de cette maladie perdent lentement la mémoire ; pas toute. Avec le temps, les mots se perdent, les lieux et les personnes s’estompent. Les souvenirs récents disparaissent d’abord, les anciens sont plus durables. Les émotions sont conservées alors que tout le reste se déglingue. Avec elles, la musique semble inoubliable. 

À chanter avec la mélodie s’il vous plaît.

Schläft ein Lied in allen Dingen,
Die da träumen fort und fort.

Und die Welt hebt an zu singen,
Triffst du nur das Zauberwort.

J. F. von Eichendorff

Grossesse et parentalité.

Nature 632, 22-24 (2024). doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-02447-w

Chaque année, environ 140 millions de femmes donnent naissance à un enfant. Durant la grossesse, toute la physiologie de la mère est fondamentalement transformée. La médecine connaît bien cette situation et consacre beaucoup d’efforts à mieux l’étudier. Pourtant la transformation concomitante du cerveau est encore très peu connue, quoique la situation soit en train de changer. 

Le présent article nous présente quelques éléments surprenants – ou pas. 

Par exemple, durant la grossesse, le cerveau de la mère perd quelque 2% de son poids – même 5% pour le cortex. Il faudra des années pour retrouver cette masse perdue. Est-ce à dire que la maternité rend bête. Oh que non point ! Il est vrai que la perte de mémoire au dernier trimestre de la grossesse, et après la naissance, sont des expériences que rapportent beaucoup de femmes. Il semble pourtant que le nombre de neurones ne diminue pas, mais c’est le cerveau qui est reconfiguré pour faire face à la tâche parentale. Les jeux de l’esprit perdent de l’intérêt, mais la fonction d’empathie et la théorie de l’esprit (capacité à se projeter dans l’esprit d’une autre personne) sont renforcées. En d’autres termes, la mère se concentre sur la tâche essentielle qui consiste à faire vivre et grandir l’enfant. 

Autre chose amusante ; l’âge d’une mère estimé à partir de l’observation de son cerveau semble plus jeune d’une bonne demi-année par rapport aux femmes sans enfant. Que la présence d’enfants conserve la jeunesse n’est guère surprenant, mais je me réjouis d’apprendre que le phénomène est aussi valable chez les pères en fonction de leur engagement parental. Une femelle souris vierge se comporte assez mal envers les souriceaux, mais tout change dès qu’elle a elle-même des petits. L’importance de la parentalité – pour les femmes et pour les hommes – ressort fortement du présent article. Je l’ai aussi constaté l’autre jour lors d’une rencontre entre amis pendant laquelle j’ai pu admirer un jeune père qui a passé tout l’après-midi à tenir maternellement son bébé dans ses bras. Visiblement, il était compétent dans cette tâche. 

Nous l’avons compris, le congé parental est important, pour les pères presque autant que pour les mères. Continuons tous ensemble la lutte pour l’étendre. 

Cartographie mondiale des écosystèmes dépendants de la nappe phréatique

Nature 632, 101–107 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07702-8

Un article que je recommande à tous ceux qui essayent de comprendre la crise du climat et les moyens pour y faire face. 

La figure 1, reproduite ici, présente, en vert, une grande partie des biotopes qui dépendent de la nappe phréatique (GDE). La somme des données représentées et incroyable. La carte a une résolution de 30m. Elle se base principalement sur une cartographie satellitaire de la végétation, corroborée par des masses de données in situ. 

Une image contenant texte, carte, art

Description générée automatiquement

Le résultat global se résume ainsi : plus de la moitié des GDE sont en train de perdre leur eau profonde dont dépend la culture alors que seulement 20% bénéficient d’efforts pour les protéger ou se trouvent dans des juridictions qui pourraient agir.

Ces données sont fondamentales pour suivre l’évolution de l’agriculture dans le monde et pour évaluer l’effet des mesures que l’on prend pour la soutenir.