La conférence de Thomas Piketty du 3 octobre.

Comme nous pouvions nous y attendre, la 4e conférence « Envie d’agir » que nous a présentée Thomas Piketty à l’UNIL le 3 octobre 2024 était un gros morceau. Il fallait bien s’accrocher, mais l’effort en valait la peine ; on en sortait nettement plus intelligent. Pour ceux qui n’ont pas assisté ou qui souhaitent raviver leurs souvenirs, elle est encore visible ici :

https://youtu.be/hZ0gUfg30QE.

Je ne vais pas en faire un résumé, mais je propose de la conclure par la dernière phrase de la chronique qu’il a publiée dans Le Monde, le 14 octobre 2024 :

… on ne peut faire face aux défis sociaux et climatiques actuels si l’on ne commence pas par imposer les plus fortunés de façon visible et incontestable. 

La Chine, championne des énergies renouvelables.

Luc Recordon, par son courriel du 13.10.24, nous communique l’article de Urs P. Gasche, publié sur Infosperber le 8 octobre 2024, traduit par Bon pour La Tête. Il est montré que la Chine est le seul pays qui soit sérieusement en train de réaliser la transition énergétique durable. 

Le premier tableau ci-dessous montre l’extraordinaire croissance de l’énergie solaire et éolienne (pour 2024, ce sont les chiffres jusqu’en juillet seulement.) Il s’agit donc de la puissance installée, c’est-à-dire celle produite en plein soleil et par bon vent. La puissance réelle est plus faible. Par comparaison, une centrale nucléaire typique produit de l’ordre de 1 GW.

Quant au deuxième tableau, il montre que, n’en déplaise à notre Parlement, seule la Chine est crédible dans son effort,

Quelques nouvelles de science.

Nature, 3 octobre 2024. 151488

Le connectome complet du cerveau de la mouche drosophile, c’est à dire, le diagramme de toutes les connexions synaptiques. Construit sur la base d’images de microscopie électronique, il inclut 140’000 neurones et 50 millions de connexions. C’est un travail formidable et une base de données faramineuse. Le présent volume du journal y consacre 100 pages et 9 articles. 

Présentation : Nature 634, 35-36 (2024)
doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-03029-6

Article principal: Dorkenwald, S., Matsliah, A., Sterling, A.R. et al. Neuronal wiring diagram of an adult brain. Nature 634, 124–138 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07558-y

Et alors ?

Pour se faire une idée de l’usage possible du connectome, je reprends un seul des 9 articles présentés. J’ai essayé de le lire.  La démarche expérimentale est complexe, mais un peu compréhensible. En tout cas, la question posée fait sens : il s’agit de comprendre comment la mouche fait pour s’arrêter. 

Trois neurones sont identifiés sur la base du connectome et grâce à l’usage de méthodes sophistiquées utilisant les outils de l’optogénétique (lumière pour l’activation spécifique d’un gène) et l’analyse fine du comportement. FG et BB, activé par le neurotransmetteur GABA, inhibent le mécanisme de freinage de la marche à la descente, ce qui induit un blocage partiel des articulations des pattes. L’arrêt n’est pas  immédiat, il permet quand même quelques mouvements. C’est l’état de la mouche lorsqu’elle se nourrit. Le 3e neurone fonctionne différemment, BRK (brake) envoie un signal qui arrête tout mouvement des pattes en bloquant les articulations dans une position caractéristique. BRK est actif durant le toilettage. 

Cet article me fait revenir au modèle du couteau suisse selon lequel l’organisme fonctionne grâce à un nombre de fonctions bien définies, habillement combinées. Le présent article révèle trois lames du couteau et démontre que la méthode pourrait être généralisée. Va-t-on vers la fin de la biologie ? Ce n’est pas cette question qui m’empêchera de dormir. 

Sapkal, N., Mancini, N., Kumar, D.S. et al. Neural circuit mechanisms underlying context-specific halting in DrosophilaNature 634, 191–200 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07854-7

The Many Lives of James Lovelock: Science, Secrets and Gaia Theory. 

Jonathan Watts. Canongate Books (2024)

Recension dans :

Nature 634, 25-26 (2024)

doi: https://doi.org/10.1038/d41586-024-03148-0

Je suis toujours intéressé par ces histoires sans fondement scientifiques, mais qui se répandent dans la population parce qu’elles sont jolies et qu’elles plaisent. Gaïa en est un bel exemple et James Lovelock, qui est mort il y a deux ans à 103 ans, en est le héros. 

L’affaire de Gaïa et Lovelock est décrite en d’innombrables occasions. Wikipedia en donne une bonne entrée en matière. https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypothèse_Gaïa

Le livre Jonathan Watts y revient en détail et montre combien toute cette histoire est tordue. Selon cet auteur, c’est Dian Hitchcock, chercheuse au Jet Propulsion Laboratory en Californie, qui a eu l’idée que, pour savoir si une planète est « vivante », le meilleur indicateur est la teneur en gaz réactif dans son atmosphère. Au milieu des années 60, Hitchcock était aussi la maîtresse de Lovelock. Ils publièrent ensemble plusieurs articles sur cette idée. Puis, Lovelock, qui était marié, a rompu la relation. Au début des années 60, Lynn Margulis, une microbiologiste, entreprit une collaboration avec Lovelock. Ensemble, ils publièrent l’hypothèse de Gaïa qui proposait de considérer la planète et son atmosphère comme un tout en équilibre, analogue à un être vivant. Il n’y avait ni conscience ni intention dans ce modèle, mais le nom de Gaïa, déesse grecque, infusait dans l’idée, une touche de mysticismes qui fructifia très vite dans la population. 

Pendant toute sa période professionnellement active, Lovelock a travaillé pour Shell et Dow Chemical. Toute sa vie, il a navigué entre l’industrie chimique et la mystique Gaïa. Voltaire aurait pu dire combien « un peu du mien, un peu du tien, fort peu du sien » lui ont apporté un étonnant succès durable. 

Lovelock, J., & Margulis, L., vol. 21, no 4,‎ avril 1974, p. (1974). Biological modulation of the Earth’s atmosphere. Icarus, 21(4), 471-489.