La plateforme glaciaire de l’ouest antarctique à survécu au dernier intermédiaire glaciaire (DIG) il y a 125’000 ans.

De toute l’immense masse glaciaire de l’Antarctique, l’avenir de la plateforme ouest (entre Ronne et Ross, en foncé sur la carte) est le plus incertain. Cette masse glaciaire repose sur un socle rocheux à plus de 1000 m de profondeur. L’eau qui pourrait y circuler serait alors un facteur de déstabilisation, surtout en période de réchauffement climatique. Aujourd’hui, on ne sait pas ce qui va se passer. Certains modèles prédisent pour 2200  (dans 175 ans, c’est-à-dire, dans le futur, à même distance que la guerre du Sonderbund ne fut dans le passé), une élévation du niveau des océans de quelques dizaines de cm, ce qui serait fâcheux, mais pas globalement dramatique. Une autre série de modèles, très discutés actuellement, prédisent dix fois plus,  au moins 4 m, ce qui impliquerait un changement majeur de l’habitabilité de la Terre. Vingt centimètres ou quatre mètres ? On aimerait le savoir.

Un récent article de mon journal favori apporte un élément de réponse. 

Wolff, E.W., Mulvaney, R., Grieman, M.M. et al. The Ronne Ice Shelf survived the last interglacial. Nature 638, 133–137 (2025). https://doi.org/10.1038/s41586-024-08394-w.

Il décrit les résultats obtenus par 16 auteurs, dont notre très fameux ami Thomas Stocker, membre honoraire des Grands-parents pour le climat, mais surtout grand carotteur des profondeurs glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. En analysant ces glaces profondes (donc âgées), les auteurs concluent que la calotte glaciaire de l’ouest antarctique n’a pas disparu lors du dernier intermédiaire glaciaire (DIG), il y a environ 125’000 ans.

Pourtant, on avait quelques bonnes raisons de croire le contraire. J’aime en particulier cet argument. Une espèce de pieuvre des profondeurs se retrouve sous la plateforme Nord  (Ronne) comme aussi sous la plateforme Sud (Ross). Sans surprise, la génétique montre que les deux formes ont évolué séparément. Pourtant, on constate qu’un évènement de croisement génétique a eu lieu à l’époque du DIG. 

L’argument ne tient plus guère maintenant que l’on sait que la séparation physique des deux plateformes n’a pas eu lieu au DIG.  Peut-être ne fut-ce pas un vrai mélange génétique, mais seulement un évènement extraordinaire comme fut le croisement entre l’Homo sapiens et l’homme de Néandertal. Le profil en sels et les concentrations isotopiques de l’eau dans les carottes ne trompent pas. 

L’article est important parce que le réchauffement climatique actuel présente bien des analogies avec le DIG. La température globale ainsi que l’amplitude totale du réchauffement sont les mêmes.  Seule la vitesse du réchauffement est beaucoup plus grande actuellement. On peut donc quand même conclure qu’il n’est pas probable que l’échauffement que nous vivons produise un emballement de la montée des océans. Restons-en plutôt à quelques décimètres par siècle. Ouf !

Il en reste que tout ceci n’est pas une raison pour continuer d’envoyer autant de CO2 que possible dans notre atmosphère.