Alison Jolly est morte le 6 février. Il est bon de se souvenir d’elle [1].
Figure 1
Primatologiste remarquable, elle a mis en évidence, dès les années 60, chez les lémurs de Madagascar, une organisation sociale où les femelles sont dominantes. Avec son mari, économiste du développement, elle s’est engagée pour qu’il soit tenu comptes des populations locales et de leurs besoins spécifiques dans les politiques de développement durable. Avec lui, elle a aussi eu 4 enfants – et autant de petits-enfants – pour lesquels elle a écrit une collection d’histoires illustrées. Pas mal ! Ici nous voulons retenir une autre de ses contributions. À une époque où l’idée générale voulait que « l’outil fait l’homme », c’est elle qui, dès le début de son travail, a promu l’idée que la socialisation est le moteur de l’évolution humaine (Jolly 1999). L’idée vaut la peine d’être suivie. Résumé : Nous posons une hypothèse : l’émotion transcendantale est dans la nature humaine, comme l’est, par exemple, la compétence à acquérir le langage. Nous verrons : (i) l’origine évolutive de cette faculté; (ii) en quoi agit-elle ici et maintenant ; (iii) quelles conséquences devons-nous en tirer ? L’Homo sapiens n’a pas tout inventé. Prenons un moment (17’) pour nous rappeler nos racines communes d’avec les primates [2] . La belle présentation TEX de Frans de Waal illustre combien les comportements et les sentiments typiquement « humains » – collaboration, réciprocité, équité, empathie, compassion – existent aussi chez les grands singes. La neuropsychologie confirme « Monkey brains wired to share » (Reardon 2014). Il est « trendy » d’explorer ces mêmes propriétés dans le cerveau humain ((Santiesteban, Banissy et al. 2012) pour un exemple de recherche, (Churchland 2013) pour une synthèse scientifico-« philosophique »). Les questions posées sont au fondement de la nature humaine et les réponses que l’on peut y apporter touchent directement au sens que nous voulons donner à nos vies.
Petit.
Revenons aux fondements. La théorie darwinienne de l’évolution a largement démontré que c’est l’individu qui est au centre du processus évolutif. Ce qui compte d’abord, c’est la fitness de l’organisme, c’est-à-dire le nombre de descendants qu’il transmet à la génération suivante, ou, en élargissant le concept, sa fitness inclusive qui fait le compte des gènes transmis plutôt que des descendants individuels. Bref, pour faire simple, nous gardons bien à l’esprit que l’organisme vivant est égoïste. Simple ! Simple and stupid, of course. Égoïste oui, mais pas seulement. Voyons plus loin. Darwin avait déjà parfaitement perçu l’importance du phénomène social dans le monde vivant (Darwin 1859 (1992), Darwin 1871 (2006)). Il s’étonnait que, si souvent, un individu semble sacrifier son intérêt au profit de celui d’un autre. Il se demandait, sans avoir de réponse satisfaisante, comment peut se préserver héréditairement un comportement qui semble nuire à la fitness de l’individu. Cent-cinquante ans plus tard, avec la génétique en plus, la réponse est assez claire : la vie est compliquée et ses chemins gagnants sont souvent sinueux. On constate en effet que, ce qui parait être un sacrifice ici et maintenant, s’avère être une stratégie gagnante à long terme. Parmi les exemples classiques, citons le cas des insectes sociaux chez qui la majorité des individus abandonnent toute chance de se reproduire au profit d’une reine à laquelle ils consacrent tous leurs efforts. La stratégie est gagnante parce que les ouvrières sont génétiquement proches de la reine – quelquefois même elles en sont des clones – et que la reine pond efficacement. Il en résulte que l’ouvrière aide à transmettre des gènes identiques aux siens mieux qu’elle ne le ferait directement. Ne croyons pas, toutefois, que l’arrangement est facile et qu’il puisse se vivre sans problème. Autre cas fameux : le sexe. Comment se fait-il qu’une femelle accepte de prendre en charge la moitié des gènes d’un autre individu qui, le plus souvent, lui laisse tout le travail sur le dos ? Comment se fait-il que cette procédure couteuse pour la femelle soit généralement adoptée dans l’ensemble du monde vivant alors qu’il semblerait tellement plus facile de se reproduire par parthénogenèse (clonage) ? La réponse, ici encore, nécessite le grand détour par l’hypercycle de l’évolution : pour survivre dans un milieu qui change, il faut changer; le sexe apporte ce changement en brassant les cartes à chaque génération. Nous en avons déjà parlé sur ce blog (https://www.dubochet.ch/jacques/?p=82). Ce que nous voulons mettre en évidence ici, est le conflit entre l’intérêt à court terme – se reproduire par clonage – et l’intérêt supérieur qui n’apparait que dans la longue durée. Comment faire pour que le premier ne l’emporte pas sur le second? Dans le cas du sexe – c’est passionnant! -, la nature fait en sorte que l’on ne puisse pas y échapper. Le premier truc, celui que chacun connait, consiste à le rendre désirable. Moins populaire, mais constituant un des sujets majeurs de la recherche de mon institut, la nature fait en sorte que, chez les mammifères, le chromosome sexuel mâle est exclu du processus de brassage des cartes. Il est ainsi protégé ; pas moyen pour la femelle de le mettre dehors. En quelque sorte, la nature inclut dans la physiologie l’obligation de valoriser le long terme par rapport à l’intérêt immédiat. Parce que ce principe est tellement général et tellement important, j’insiste avec un troisième exemple : le cancer. C’est la règle de la vie, n’importe quelle cellule tend à s’en sortir au mieux, quitte à échapper aux contraintes traditionnelles. Pour une cellule d’un organisme comme le nôtre – une cellule de peau par exemple – les contraintes sont sévères: elle est une cellule de peau et l’organisme veille sévèrement à ce qu’elle remplisse fidèlement sa fonction. Il n’empêche que, la cellule reste avec sa propension à vivre sa vie et pour ce faire, elle a, en principe, toutes les possibilités, puisqu’elle porte en elle l’ensemble de l’information génétique de tout l’organisme. Faut-il parler de guerre entre l’organisme et chacune de ses cellules ? En tous cas, lorsque la cellule s’est échappée et se disperse en métastases, c’est bien une lutte mortelle qui en résulte. Arrive l’homme. Quoi de neuf ? À ce propos, on aura tout dit, la main préhensile, la posture debout, les glandes sudoripares (qui permettent un refroidissement efficace pour courir longtemps) et même une modification d’une protéine (la myosine) des muscles de la mâchoire libérant ainsi la tension qui empêche le crâne de s’agrandir ! Épiphénomènes que tout cela ! On a aussi insisté sur l’importance du social. Avec Alison Jolly, nous avons compris que les primates ne sont pas forcément moins doués que nous. Nous nous souvenons aussi que les neurones miroirs ont d’abord été découvert chez les macaques (Rizzolatti and Sinigaglia 2007). Non, à mon sens, ce qui fait que l’Homo sapiens bouleverse sa lignée évolutive est à chercher dans l’agrandissement de son cerveau. En suivant beaucoup d’autres , j’aime y penser à ma sauce, ce qui donne à peu près ceci [3]. D’une part, il y a le monde réel, de l’autre, il y a l’image que nous nous en faisons. (Je me re-répète [4]). Cette image, c’est nous et c’est notre outil de travail pour faire notre vie. Bien évidemment, la capacité à se représenter le monde n’est pas une invention humaine. La bactérie qui fait tourner ses flagelles pour se diriger là où le sucre est abondant a sa « vue du monde » et son (petit) « plan » pour en tirer avantage. Les mammifères font mieux. La vidéo citée en note 1 illustre les subtiles stratégies dont ils sont capables pour atteindre leur but. L’homme fait encore mieux; beaucoup mieux ! Il faut bien le dire, avec l’être humain, on a l’impression d’un saut qualitatif. Par rapport au chimpanzé, sa capacité cérébrale a triplé, mais l’ampleur de son image du monde semble avoir véritablement explosé. Le mot émergence prend tout son sens ici. Que s’est-il passé ? Je vois deux hypothèses possibles : l’émergence molle ou l’émergence dure. Dans le premier cas, l’émergence molle, on admettra que rien de fondamental n’a changé dans le fonctionnement du cerveau, mais, comme le décrit la physique des phénomènes critiques, il y a des situations où un peu plus du même fait toute la différence. Il vaut la peine de s’y arrêter et de comprendre comment cela peut arriver avec une pensée spéciale pour Laurence.
Comprendre les phénomènes critiques par un exemple
Il s’agit de traverser une rivière en sautant sur des pierres distribués au hasard. La question est de trouver la densité de pierres permettant le gué. Pour ce faire, nous modélisons le problème selon le schéma de la figure 2. Nous y voyons les deux berges de la rivière à traverser avec des pierres disposés au hasard. Ce sont les carrés noircis ou ceux marqués d’une croix. La règle du jeu veut que l’on ne puisse passer d’une pierre à l’autre que si elles se touchent par un côté. La variable est la proportion de carrés occupés. Il est bien clair que, avec peu de pierre, on ne passera pas. Il est tout aussi clair que, si toutes les pierres sont occupées, il ne faudra plus parler de rivière, mais d’esplanade! Entre les deux, il y a une densité de pierre autour de laquelle on passera de la situation où la traversée n’est probablement pas possible à celle où les chances de traverser seront bonnes. Quelle est cette limite? Mathématiquement, le problème est difficile (je savais comment m’y prendre (de Gennes 1985), mais c’est bien passé). Heureusement, il y a une autre méthode, beaucoup plus efficace: la simulation à l’ordinateur. Là non plus, je ne sais plus comment faire, mais je sais à qui demander. Gilles à liquidé l’affaire en deux temps trois mouvements. Merci à lui. La simulation consiste donc à marquer au hasard, une certaine proportion des carrés représentants les pierres dans la rivière. La figure 2 illustre une portion de 10 carrés le long de la rivière qui a, elle-même, 10 carrés de large.
Figure 2 Dans cet exemple, des 100 carrés disponibles, 46 sont occupés par une pierre. Celles qui sont accessibles depuis la berge nord (en haut) sont en noir, celles qui ne le sont pas sont marquées d’une croix. On constate que, dans ce cas, la rivière n’est pas traversable. La simulation consiste à répéter l’exercice 10’000 fois pour chaque proportion de sites occupés (entre 0 et 100%). La figure 3 donne le résultat. L’axe des X porte la proportion de sites occupés et l’axe des Y, le nombre de fois (en milliers) que, parmi les 10’000 essais, la configuration particulière aurait permis de rejoindre la rive sud à pieds secs. On constate que, en dessous de 40% des sites occupés, la probabilité de pouvoir passer et faible. En dessus de 70, on passe presque à tous coups. C’est un peu avant 60% que l’on a une chance sur deux de pouvoir traverser et c’est dans cette région qu’un petit changement du nombre de pierres a la plus grande influence sur la probabilité de passage.
Figure 3 La même simulation, mais, cette fois, pour une rivière dix fois plus large (100 pierres) donne le résultat représenté sur la figure 4. Remarquons que c’est toujours un peu avant 60% que l’on a une chance sur deux de passer, mais le changement de la probabilité de passage quand change le nombre de pierres est bien plus abrupt.
Figure 4 La figure 5 présente la région centrale plus en détail. Sur le graphique, nous pouvons maintenant préciser que c’est à environ 58,8% des sites occupés que la probabilité de passage est de 50%. Nous voyons aussi que, si nous diminuons le nombre de pierres de 2% nous allons nous trouver bloqués plus de 9 fois sur 10 alors qu’en en ajoutant seulement 2% nous sommes assurés de passer plus de 9 fois sur 10. L’effet serait encore plus abrupt si la rivière était plus large. Nous sommes là en présence d’une situation typique de phénomènes critiques : à la limite (rivière très large), sans que change la règle du jeu, un changement infime de la variable autour du point critique (ici, la proportion de sites occupés) change le résultat du tout au tout (ici, la possibilité de traverser la rivière). On utilise le mot « percolation » pour marquer cette transition soudaine vers le nouvel état (la relation au café est peu évidente). Ce type de phénomène est courant en physique. La congélation de l’eau en est un exemple.
Se peut-il que l’image du monde que produit le cerveau traverse un seuil critique entre les 500g du chimpanzé et le kilo et demi de l’homme ? Se peut-il que ce soit seulement chez l’homme qu’ait lieu la percolation des signaux cérébraux en une image du monde devenue globale ? La deuxième hypothèse, celle de l’émergence dure, fait appel à une nouvelle capacité du cerveau qui existerait chez l’humain, mais pas chez les autres grands singes. On peut imaginer toute sorte de nouveauté qui causerait cette révolution. Je reprends celle de Hauser, Chomsky et Fitch (Hauser, Chomsky et al. 2002) parce qu’elle me plait bien. Ces auteurs proposent que, quelque part dans la récente évolution du genre homo, est apparue dans le cerveau, la faculté d’une nouvelle opération : la récursion. En gros, il s’agit simplement du concept « etc. » Par exemple, alors que chaque terme de la série 1+1=2 ; 2+1=3 ; 3+1=4 appelle un nouveau calcul et un nouvel effort – je serai fatigué avant d’avoir été bien loin – la série 1+1=2, 2+1=3, 3+1, etc. introduit la récursion qui termine l’opération en l’ouvrant sur l’infini. Hausser et ses collègues croient y voir l’origine de l’abstraction. Moi, je vois surtout que la récursion est une gymnastique mentale. Elle appelle à imaginer l’arbre, avec ses arbres voisins, et leurs voisins, etc.; de l’arbre nait ainsi la forêt. Elle permet de retrouver mon frère dans le père de la cousine de la sœur de mon fils. Elle permet surtout le langage. « J’écris comment la récursion des signaux neuronaux percole en une image du monde qui transcende la réalité telle que la perçoivent mes sens, ici et maintenant » … et j’espère me faire comprendre. Oh la la ! Émergence dure ou molle, qu’importe. Ce que nous retenons ici est que l’image du monde que se construit chaque être humain est incomparablement plus vaste que celle de n’importe quel animal. Par certains aspects, elle est même sans limites. Elle lui permet aussi d’agir de manière complexe et dans un but lointain. L’être humain est-il meilleur pour autant ? Bof, le moins que l’on puisse dire et que la réponse positive n’est pas évidente. Inutile de regarder très loin, l’être humain reste un animal darwinien. Il veille à survivre le mieux possible, lui d’abord, ses descendants ensuite. Quant aux autres, l’être humain, en être social, a appris à collaborer avec eux parce que cette stratégie paie. Pour le reste, il s’en fiche. Il faut pourtant noter que chercher son avantage dans la collaboration est une affaire subtile. En effet, si pour moi, l’idéal consiste à obtenir les bienfaits de la collaboration sans pour autant en payer le prix , mon partenaire vise évidemment le but inverse. La belle collaboration où chacun donne sans compter le meilleur de lui-même semble vraiment une bien difficile élaboration. Robert Trivers, un biologiste qui toute sa vie a étudié les animaux sociaux, sans toutefois oublier de penser à l’animal que nous sommes, a récemment écrit un livre pénétrant (Trivers 2011)[5] que je résume ainsi. Partout dans la vie, le paraitre est important. Il s’agit de paraitre fort (comme le bouquetin aux cornes ridicules), de sembler invisible (comme le papillon clair qui évolue en papillon sombre quand les arbres sont noircis de fumée ou comme le plasmodium de la malaria qui change d’ « habits » quand l’organisme qu’il infecte l’a identifié), d’apparaitre dangereux ou toxique (comme la chenille ou le papillon que l’oiseau aurait trouvé délicieux s’il n’avait pas compris le signal … ou si justement s’il l’a trop bien compris). Il faut paraitre, mais l’autre n’est pas moins apte à identifier le subterfuge que le trompeur à tromper. La guerre du paraitre n’est pas près d’être terminée. Arrive l’humain – encore lui – et sa capacité incomparable à façonner son paraitre. En face de lui, l’humain, avec son incomparable compétence à démasquer le trompeur. La guerre continue. Pour le moment, le paraitre semble marquer des points grâce à une stratégie gagnante : pour bien mentir, il faut y croire et l’homme a développé une étonnante capacité à croire à ses propres mensonges, seul ou en groupes. Ainsi, le mot altruisme reste avec toute son ambigüité. Dans le langage courant, il s’agit d’une haute valeur morale – quoique l’on sache pertinemment combien il est motivant de mettre en évidence le nom du donateur sur l’objet généreusement offert au bien public. Les biologistes utilisent aussi le mot, mais ils l’ont dépouillé de toute valeur morale. Une action altruiste est seulement caractérisée par le fait qu’elle semble profiter d’avantage à autrui qu’à son auteur. L’altruisme est un domaine important de la recherche en sociobiologie ; typiquement il s’agit de trouver par quel détour l’action bénéficie quand même à son auteur (voir, ci-dessus, le cas des insectes sociaux). Le psychologue social Daniel Batson a passé le gros de sa vie à étudier ce qu’est l’altruisme humain (Batson 2008). Il faut sans doute regarder ce genre d’expériences avec prudence (une référence sur la non-crédibilité des expériences en sciences sociales serait bienvenue ; j’en ai vu une belle récemment), mais, ceci dit, les résultats de Batson semblent intéressants. À ses sujets de test, il explique qu’ils sont là pour conduire des expériences avec des participants. Deux expériences sont présentées, l’une semble amusante et intéressante, l’autre ennuyeuse et désagréable. Le sujet est sensé conduire l’une alors que son collègue (qui n’existe pas dans la réalité) est sensé conduire l’autre. Le noyau de la recherche consiste à laisser le sujet décider honnêtement, qui s’occupera de laquelle des deux expériences. Le sujet est dans sa petite cellule. Il se croît seul, mais il est observé et il sera ensuite questionné sur sa décision. Sans surprise, on apprend que le sujet s’attribue « honnêtement » le beau rôle dans 80% des cas. Ceci n’est que l’entrée en matière ; l’expérience est développée avec toute sorte de finesses. Par exemple, dans sa cellule, le sujet dispose d’une pièce de monnaie ; il va souvent l’utiliser pour jouer à pile ou face, sans que cela ne semble influencer le résultat du choix. Alternativement, il dispose une pièce marquée « expérience A pour moi/pour lui). Le sujet joue et encore, il se donne l’avantage à 80%, quel que soit le résultat du jet. L’admirable est que toujours, il se trouve honnête et parfaitement raisonnable. Le titre de l’article résume les résultats : « Moral masquerades ». Il y a toutefois des moyens pour changer le résultat ; l’un consiste à faire savoir au sujet qu’il est observé, l’autre à le placer devant un miroir dans lequel il se voit en face. Entre Hobbs qui voit l’homme mauvais, mais que la société peut cadrer pour le meilleur et Rousseau qui croit l’homme naturellement bon, ma position est nettement à gauche (dans la phrase). Le texte ci-dessus donne quelques arguments. Sorry lecteur, on ne rigole pas beaucoup jusqu’ici.
Grand
Et pourtant ! Voir tout noir est tout aussi mal voir que de voir tout blanc. Sans aller plus loin qu’à Lausanne, on trouve une autre psychologue sociale qui travaille à l’opposé de Batson. Il s’agit de Florence Passy (Passy 2003, Passy and Monsch 2013, Passy en préparation). Elle étudie ces personnes qui s’engagent durablement et avec une force admirable pour un idéal qui les dépasse. Parce que leur but est si grand et si lointain, ces personnes travaillent généralement au sein d’un groupe qui fait fructifier leurs modestes contributions. Dans ces groupes, on retrouve les défenseurs de la Nature, des Droits Humains, ceux qui luttent pour le développement du Tiers-monde, le droit des femmes, contre le nucléaire, les OGM, etc. (On pourrait sans doute y inclure des djihadistes ou peut- être des militants fachos-extrémistes, mais ce ne sont pas ceux-là qu’étudie le groupe Passy.) L’étude de ces groupes et de leur dynamique est un sujet cher à la sociologie moderne qui étudie beaucoup la façon dont les individus sont entrainés par le groupe. Pourtant, pour Mme Passy, c’est l’individu qu’elle veut mettre au centre avec la question : comment tant d’êtres humains engagent-ils tant de forces vers un but grand et généreux, en apparente contradiction avec la petitesse égoïste de ce que semble être la lutte quotidienne pour la vie ? Mme Passy n’est ni la seule ni la première à s’en étonner. Descartes après St. Augustin trouvait si surprenant que des êtres si petits puissent avoir une telle vision de grandeur qu’il y voyait la preuve de l’existence de Dieu. Tout récemment, Florence Kaufmann, collègue et néanmoins amie sociologue et philosophe de l’UNIL, m’invitait à un séminaire de Maurice Bloch du LES à Londres, un des fondateurs de l’anthropologie cognitive. La thèse qu’il présentait, basée sur l’étude d’une ethnie « première » de Madagascar, peut se résumer ainsi : chercher la nature humaine dans la religion est stérilement réducteur, il faut voir plus grand, c’est dans la « transcendance » qu’il faut la trouver. Je buvais du petit lait puisque le brouillon du présent texte était déjà avancé et son titre affirmé. Ainsi, face à la petitesse de l’égoïsme darwinien, nous nous retrouvons forts de la transcendance. Sommes-nous bien avancés ? Je crois que oui, parce que nous connaissons tous personnellement l’attrait du grand et du généreux [6]. Il ne s’agit pas ici de se flatter, mais d’équilibrer les misérables paragraphes du début de ce texte. Les grands discours ne sont pas nécessaires pour rappeler que les mots bienveillance, générosité et amitié ne sont pas vides de sens. J’aime par exemple, la façon dont Montaigne parle de La Boétie (référence). L’émotion que l’on ressent face au réseau social qui nous entoure n’est pas vaine non plus. Quand je vois une personne en détresse sur qui se précipite l’aide de la société, je suis quelques fois ému aux larmes. Cela peut être le bruyant passage des pompiers ou l’arrivée de l’hélicoptère et tout le tralala sur le lieu de l’accident. Cela peut aussi être, simplement, ce conseiller expérimenté du CSP qui explique gratuitement, avec compétence et bienveillance la démarche qui aidera le demandeur d’asile à sortir de son cul-de-sac. Chacun peut ici y aller de son propre couplet et de ses propres émotions. Si besoin est, la littérature le cinéma et le théâtre sont prolixes à développer l’argument. Quant à l’amour, cité ici en fin de liste parce qu’il doit avoir une place spéciale, il est et reste, malgré la complexité du mot et sa polysémie, l’émotion fondamentale de la grandeur des relations humaines. Pour comprendre l’ampleur de la question, c’est peut-être à Johannes Bronkhorst, prof. honoraire de sanscrit et de culture de l’Inde à l’UNIL (Bronkhorst 2008), que je dois le plus. Au départ, il constate, avec tant d’autres, que la religion, ou au moins quelques formes religieuses, se retrouvent en tout temps, dans toutes les sociétés humaines. Comme Bloch (voir ci-dessus), il voit bien que ce serait faire peu de cas de la richesse et la diversité de cet étonnant fait culturel que de le ramener à un « gène de Dieu ». Faut-il alors penser que ce n’est pas dans la religion, mais dans la religiosité, c’est-à-dire l’attrait exercé par la pensée « religieuse » qu’il faut rechercher la nature humaine ? On voit une analogie avec le langage: ce n’est pas le langage qui est inné, mais la compétence à l’apprendre. Mais alors, que veut dire pensée « religieuse » ? Un des dadas de Bronkhorst est l’étude de l’ascétisme (Bronkhorst 2001), c’est-à-dire cette propension – encore une que l’on retrouve de tout temps dans toutes cultures – à s’imposer des « complications » diverses dans la vie, par exemple de ne pas manger, ne pas boire ou habiter sur le chapiteau d’une colonne ! De quoi s’agit-il ? Sans doute, d’affirmer sa grandeur en se riant de la petitesse de la vie quotidienne ! Dans un livre récent, Bronkhorst va plus loin en rapportant l’attrait pour la grandeur aux fondements neurobiologiques de la conscience (Bronkhorst 2012). C’est bien à ce niveau qu’il nous faut réfléchir. Revenons donc à notre chemin évolutif. Au temps où nous en étions encore à l’ancêtre commun de l’homme et du singe, l’individu égoïste ne voyait guère que son intérêt immédiat. Il percevait néanmoins déjà finement ses semblables et il savait s’engager dans des collaborations, complexes… mais n’exagérons pas. Arrivent l’explosion mentale et l’extension infinie de l’image du monde. La profondeur de l’analyse que les individus peuvent faire de leur situation n’a plus de limite. En principe, chacun est capable de concevoir intellectuellement des buts sophistiqués qui ne peuvent être atteints qu’à travers des stratégies portant sur le long terme. Surtout, grâce au langage, les êtres humains peuvent collaborer pour atteindre ces buts. Les possibilités d’action semblent infinies. Peuvent-elles se réaliser ? Pas dans cet état ! Nous le savons personnellement et la neuropsychologie le confirme (référence), nos décisions ne sont guère prises par l’analyse raisonnable et l’argumentation logique; elles suivent surtout nos émotions. Si cela est vrai pour l’homme moderne, ce l’est encore bien plus chez nos congénères simiesques comme ce l’était sans doute à l’origine de l’évolution du groupe Homo. Pour prendre avantage des nouvelles potentialités intellectuelles et sociales de l’homme moderne, il a fallu que l’évolution introduise une nouvelle composante à la nature humaine : l’émotion de la transcendance. Telle est l’hypothèse que nous proposons ici sur la base des considérations précédentes. Il s’agit maintenant de donner au mot bateau « transcendance », un cadre un peu plus ferme.
Transcendantal
L’amour Nous invoquions ci-dessus ces propriétés biologiques qui assurent que l’avantage immédiat de l’organisme n’écrase pas l’avantage à long terme. Nous citions les rigoureux contrôles qui assurent l’« altruisme » (au sens biologique) de tous les membres d’une société d’insectes sociaux. Nous avons aussi évoqué le plaisir sexuel comme contribution à la valorisation de la reproduction sexuelle par opposition à la parthénogenèse (clonage). À ce point de notre exposé, nous pouvons en ajouter une autre, le couple durable, une structure sociale qui ne se retrouve pas chez les autres grands singes. Résultat : doublement de la force de travail résultant en plus d’enfants, plus forts; l’avantage évolutif est évident [7]. Cette invention de l’évolution n’est pas une nouveauté humaine, elle se retrouve dans de nombreuses espèces telles que le corbeau ou certains campagnols. Est-ce à dire que l’amour dans le couple n’est pas une prérogative humaine ? L’observation des espèces monogames fait en tous cas souvent penser à de grands amoureux (référence ? Un petit film sur les campagnols ?) Il est intéressant que la biochimie de ce comportement se retrouve aussi chez les humains amoureux (Young and Wang 2004). Le public adore ça, la presse populaire s’en régale (Precht 2012), mais l’amour sexuel ou parental est quand même assez distant de l’amour, émotion fondamentale de la grandeur des relations humaines, mentionnée ci-dessus. L’amour auquel se réfère l’hypothèse de l’émotion transcendantale n’est pas lié au sexe ou aux enfants. Son origine évolutive ne peut être due directement à la propagation des gènes, car elle s’affranchit pour une bonne part du cadre de la parenté. Il est pourtant vraisemblable que les racines de l’amour transcendantal soient à chercher du côté de l’amour sexuel ou parental que la nature a « inventé » bien avant. En quelque sorte, cette nouvelle forme sociale étend au dehors du milieu familial l’amour que les parents portent naturellement à leurs enfants. C’est peut-être en raison de ces racines communes que les différents sens du mot amour sont pareillement imbriqués. Le sens commun ne s’y trompe portant pas complètement; peu confondent « faire l’amour » avec la recherche de « l’amour divin ». L’amour auquel nous nous référons ici doit plutôt être vu comme un attachement confiant et amical appelant une collaboration durable. Surtout, il transcende l’intérêt individuel en une émotion ouverte à autrui et au monde. Le principe de réalité « Dans la psychanalyse freudienne, le principe de réalité désigne la capacité d’ajourner la satisfaction pulsionnelle » (Wikipedia). C’est bien de cela qu’il s’agit: renoncer à son intérêt immédiat pour un avantage plus grand plus tard. Comme chacun l’expérimente à chaque instant, la pratique du principe de réalité est difficile, et cela d’autant plus que l’on est capable d’envisager un avenir plus grand, plus lointain et plus complexe. Le sujet est vaste. La littérature abonde. Tout gamin, j’avais commencé par un livre de Bettelheim faisant une large place au sujet (Bettelheim 1967, 1969) ; j’y étais encore il y a quelques jours à propos d’une recherche sur la neurobiologie de la planification de l’action chez la souris (zut, je ne retrouve pas la référence, ça viendra). Le sujet est fondamental dans le présent texte. Bornons-nous à remarquer que l’émotion transcendantale porte et étend le principe de réalité. La religiosité En juin 2011, à l’occasion de son changement de statut de professeur ordinaire à celui de professeur honoraire, Johannes Bronkhorst avait organisé un mémorable colloque « Why are humans religious ?». Passionnant ! J’en ai retiré en particulier l’évidence de l’omniprésence et la diversité du phénomène religieux, mais aussi combien la plus brillante assemblée de spécialistes était restée incapable de s’entendre sur la définition même du sujet. Dans le contexte du présent texte, la religiosité apparait comme une élaboration de l’émotion transcendantale. Comme le dit Maurice Bloch, ni la religion ni la religiosité ne sont constitutives de la nature humaine. Selon la présente hypothèse, c’est l’émotion transcendantale qui est fondamentale. À partir de là, il n’y a qu’un pas pour que la religiosité imprègne les cultures et que les religions y fleurissent. Le livre de D. S. Wilson, Darwin’s cathedral (Wilson 2003) nous conduit élégamment sur le chemin de cette élaboration culturelle.
Et alors ?
D’abord il s’agit de savoir si l’hypothèse de l’émotion transcendantale fait sens. Je la crois testable, c’est à dire falsifiable. Si elle s’avère un peu correcte, elle sera aussi euristique. Elle mériterait d’être considérée dans bien d’autres domaines. Pour le moment, j’en tire une conclusion toute pragmatique suggérant à l’athée que je suis, une approche plutôt bienveillante de la religion. Voyons tout cela. Testable L’hypothèse de l’émotion transcendantale est testable, selon deux voies au moins. La première suit l’approche de Laurent Lehmann, mon voisin de bureau au DEE qui modélise l’évolution des sociétés, humaines en particulier Lehmann and Rousset, 2014). La méthode consiste à définir un modèle compatible avec les données historiques et d’observer son évolution en fonction des paramètres étudiés. À titre d’exemple, un de ses récents travaux avait pour titre : « The co-evolution of social institutions, demography, and large-scale human cooperation » (Powers and Lehmann 2013). À partir d’un modèle vraisemblable de société néolithique formée de petits groupes indépendants, il étudie les conditions qui conduisent à la formation de larges groupes investissant dans le bien commun une part substantielle de leurs efforts. Il me semble qu’une approche de ce type pourrait incorporer l’hypothèse de l’émotion transcendantale afin d’explorer si et comment elle pourrait contribuer à rendre compte de l’histoire évolutive humaine. La seconde voie viendra de la génétique. Ne parlons pas du gène de la transcendance, ce sera plus compliqué. Pour le moment, la génétique des traits complexes est difficile et elle n’en est qu’à ses balbutiements. Toutefois, si l’hypothèse est correcte, il y aura forcément un corrélat génétique à l’émotion transcendantale. Si tel est le cas, nous pouvons penser qu’il sera possible de le caractériser et de suivre son évolution au cours de l’hominisation. Au rythme auquel arrivent les données de la génétique (l’avalanche actuelle des données provenant du séquençage des génomes) et la récente capacité d’étendre la lecture aux ADN fossiles, il ne faudra peut-être pas attendre très longtemps (le point dans (Callaway 2014)). Considérable Ici encore je reprends une considération adaptée de Bronkhorst dans son dernier ouvrage (Bronkhorst 2012). Toujours au cas où l’hypothèse serait correcte, il est évident que l’émotion transcendantale est fondamentale pour toute la psychologie, la sociologie et l’anthropologie. À ma connaissance, rien de tel n’a sérieusement été introduit dans la pensée de ces domaines. Quand je vois ce que les psychanalystes (par exemple) ont réussi à construire à partir de leurs concepts fondateurs tels que la théorie sexuelle ou le complexe d’Œdipe, je me dis que l’émotion transcendantale pourrait être une nouvelle voie royale vers une compréhension renouvelée de l’être humain. Bienveillante Dawkins, comme d’autres, veut en finir avec Dieu (Dawkins 2006). Le filon est à la mode, beaucoup s’y jettent. Selon les vues ci-dessus, ils ont tout faux, comme avait (a ?) tout faux l’Église catholique lorsqu’elle diabolise le plaisir sexuel. La jouissance du sexe est une propriété humaine qui a eu toute sa valeur évolutive et qui garde encore quelque avantage. L’attrait pour la transcendance a peut-être été fondateur de l’Homo sapiens. Comme décrit ci-dessus il pourrait être actuellement plus important que jamais. C’est en tous cas ce que suggère le nécessité de trouver des réponses aux défis posés par la mondialisation ou à l’échauffement climatique. Il s’agit d’abord de bien prendre connaissance de ce qu’est l’émotion transcendantale pour l’accueillir et la guider avec bienveillance de manière à la transcender en un bienfait pour tous. Y’a du boulot!
Notes
[1] http://www.theguardian.com/science/2014/feb/19/alison-jolly (consulté le 25.3.14).
[2] http://www.ted.com/talks/frans_de_waal_do_animals_have_morals (consulté le 25.3.14).
[3] Je cite ceux qui m’ont particulièrement apporté: – Bronkhorst, J. (2012). Absorption. Human nature and buddhist liberation, UniversityMedia. – Damasio, A. R. (2003). Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions. Paris, Odile Jacob. – Churchland, P. S. (2013). Touching A Nerve: The Self As Brain, W. W. Norton & Company. – Dehaene, S. (2014). Consciousness and the Brain. New York, Viking. – Edelmann, G. M. (2000). Biologie de la conscience (Titre original: Bright Air, Brilliant Fire: On the Matter of Mind). Paris, Poches Odile Jacob. – Hauser, M. D., et al. (2002). « The faculty of language. » Science 298: 1569 – 1576. Malheureusement, Hauser n’a pas fait bonne impression depuis. Voir : https://chronicle.com/article/Marc-Hauser-Resigns-From/128296/. – Koch, C. (2012). Consciousness. Confessions of a romantic reductionist. Cambridge (Ma), The MIT Press.
[4] Voir : https://www.dubochet.ch/jacques/?p=175.
[5] Voir aussi : http://www.youtube.com/watch?v=dAljJfR3HZ0
[6] Tous, vraiment ? On peut se le demander pour certains que nous connaissons. À mon avis, ceux-ci sont généralement de vulgaire auto-tricheurs qui, pris dans la tourmente quotidienne, se refusent à accepter un besoin qui pourrait les déstabiliser. J’admets quand-même que, pour la grandeur, certains sont plus doués que d’autres. Et puis, il semble qu’il existe des cas pathologique. Celui de Phineas Gage (http://fr.wikipedia.org/wiki/Phineas_Gage) est documenté dans tous les traités de neurobiologie. Le psychopathe asocial semble être une réalité qu’un article récent du Scientifique American met en parallèle avec des grands patrons de l’industrie Dutton, K. (2012). « The wisdom of psychopaths. » Scientific American 307(04 (Oct. 2012)): 68 – 71.
[7] Evident ? Pas tellement ! Les études comparative récentes suggèrent une tout autre explication : Lukas, D. and T. H. Clutton-Brock (2013). « The evolution of social monogamy in mammals. » Science 341(2.8.13): 526 – 530. On connaît les très mauvaises pratiques du lion lorsqu’il devient mâle alpha. Il tue les petits des femelles de la horde pour favoriser sa propre descendance. En fait, la pratique est courante chez de nombreuses espèces de mammifères. Étudiant la phylogénie de 61 espèces dont le male est monogame, Lukas constate qu’elles descendent toutes d’espèces dont le mâle pratique l’infanticide. La monogamie serait alors une solution évolutive efficace pour éviter cette couteuse pratique.
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