Isabelle Stengers et Bernadette Bensaude-Vincent présentaient le 16 mai, à l’interface science-société d’Alain Kaufmann, un séminaire intitulé Slow science.
L’idée est bonne. Il faut absolument donner à la science les moyens de digérer ses acquis. Il faut fusionner le monde des sciences dures avec celui des sciences sociales. D’accord, et je ne fais pas qu’y penser.
Toutefois, la science, dans le sens où je la comprends, est la seule voie d’acquisition de nouvelles connaissances et nous avons besoin de connaissances. En général, il est fort mauvais d’en freiner l’acquisition. Ce n’est pas la science qu’il faut ralentir, mais l’usage que l’on en fait.
Ci-dessous quelques exemples désordonnés de développements techniques, proches de la recherche fondamentale, qu’il est urgent d’encadrer.
– Médecine : les méthodes couteuses ; l’allongement de la vie
– Génétique :
– profilage des groupes ou des personnes
– tous les OGM, plantes, animaux, humains
– Neurobiologie : les drogues de l’ « intelligence » ou la stimulation électromagnétique ; enhanced humans
– Geoingeneering : les « recherches » bâclées pour vite breveter n’importe quelles éventuelles méthodes qui pourraient se révéler utiles dans un avenir ± lointain ; un rapport récent dans citait le cas de l’ensemencement de l’océan avec du Fe.
– Dual use research (développement civil à potentiel militaire ou terroriste) ; augmentation de l’infectivité de virus
Ceci dit, j’ai de la peine avec Mme Stengers, comme Claude Joseph, semble-t-il selon notre courte conversation post-séminaire. Pourquoi, tout au long de son discours, entend-on nous, nous et nous (je vous explique !), face à eux, eux et eux, les scientifiques que je ne reconnais pas dans la caricature. Sa métaphore des poules caquetantes a son succès dans la salle, mais le propre du caquetage est d’être vain ; la science n’est pas vaine ; là justement est le problème. Quant à l’image exemplaire de son partenaire scientifique lors d’une discussion publique – de Gennes si je m’en souviens bien – qui, selon elle, est très bon pour imaginer une recherche plus efficace, mais propose d’utiliser les prisonniers comme cobaye d’expérience pour améliorer la pertinence sociale de la science, elle est mal venue. D’abord je ne crois pas à cette histoire, en tous cas pas telle que racontée; ensuite, « les scientifiques » ne sont pas un monde fermé. Ils sont part de la société et le bon usage de leurs apports ne se fera pas contre eux, mais avec eux.
Bref, mon impression est que Mme Stengers est d’abord intéressée à se faire valoir. Paraphrasant B. Adam-Radmanic dans Lab Times 3, 54 (2014) à propos d’un livre sur la violence (1) je me demande si la promotion de Slow science par IS, ne va pas précisément repousser ceux des scientifiques qui pourraient le plus contribuer à ces idées.
(1) Raine, A. (2013). The anatomy of violence: the biological roots of crime, Pantheon.