Science – actualité, juin 2015

Quelques points saillants en juin 2015

(5.6.15, 1147: Structure d’un complexe de la beta-galactosidase à 2.2Å. Nouveau record. Subramanian, NIH
Science 19.6.15, 1365: design de réseaux protéiques artificiels 2-dimensionnels

Nature, 25.5, 450 – 4: le complexe promoteur de l’anaphase et son mécanisme d’ubiquitinisation de protéine)

 

01.06.15. Scientific American.

– 16. SCIENCE ET SOCIÉTÉ, RISQUE. Alain, Lazare. Le Bulletin of the Atomic Scientists, créé par des scientifiques issus du projet Manhattan, informe depuis 70 ans sur les risques de destruction massive que génère notre société. Edouard (mon patron de thèse) m’y avait longtemps abonné. Sa lecture fut formative pour moi. L’horloge, icône du Journal, veut faire remarquer que nous sommes dangereusement proches de minuit. Elle a été récemment avancée de 3 minutes en raison de l’échauffement climatique et du ralentissement des efforts de désarmement. Un remarquable think tank est associé au journal. C’est un peu l’International Crisis Groupe de la lutte contre les risques de destruction globale. Martin Rees, astronome de Cambridge, y participe. Il analyse la situation actuelle dans cette page du Scientific American et se réfère à CRISPR et aux expériences de « gain-of-function » sur les virus. Il conclut: « Bioerreur et bioterreur sont au sommet de ma liste des risques globaux à moyen terme (10 – 20 ans) ». Je partage cet avis en incluant la DOYbiol (biologie do-it-yourself) dans les facteurs de danger.

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– 22 – 25. ADOLESCENCE. Manu. L’adolescent n’est pas un enfant perdu ou un adulte mal finit. Il représente une phase caractéristique du développement du corps et du cerveau. Comme un stade de la vie des abeilles, l’adolescence joue un rôle important pour la société: l’exploration, l’invention, la créativité débridée. Manu racontait comment ses filles discutaient avec lui en sautant d’un argument à l’autre sans souci des contradictions. C’est ça, la mobilité de la pensée des adolescents. Elle s’observe aussi dans les connexions cérébrales et les flux nerveux.

 

4.6.15, Nature 522.

– 13 – 14. SCIENCE, POLITIQUE, ÉTHIQUE. Des scientifiques poursuivis à cause de la maladie des oliviers. Une bactérie tueuse des oliviers a été détectée en 2013 dans la région de Bari en Italie. Les spécialistes étudient cette infection et cherchent à stopper sa progression, mais, pour le moment, la maladie progresse malgré des mesures sévères. On sait que l’État et la politique italienne a une relation bizarre avec la science. On se rappelle les géologues lourdement condamnés parce qu’ils n’avaient mal prévu un tremblement de terre il y a quelques années (ils ont finalement été blanchis). En Italie, en cas de soupçon de fraude scientifique, c’est le procureur de la république qui intervient et la police qui enquête. Ce sont eux qui s’occupent maintenant des scientifiques qui essayent de maitriser l’épidémie. Accusations diverses, descente de police, confiscation des ordinateurs. Par exemple, il est dit que l’épidémie a été causée par la bactérie échappée lors d’un cours pratique donné dans la région. Les scientifiques concernés répliquent que la souche de l’épidémie et la souche du cours n’ont rien à voir. Selon eux, la souche pathogène est probablement venue du Costa Rica avec des fleurs importées. L’ambiance chez les scientifiques directement ou indirectement concernés n’est pas radieuse.

La question de savoir qui enquête en cas de fraude scientifique est ainsi posée. La police est-elle capable de mener ces enquêtes qui nécessitent la meilleure compétence scientifique? Boof! On parle de dérapages étonnants. D’autre part, laisser les scientifiques arranger leur cuisine entre eux n’est pas satisfaisant non plus. L’Italie a le mérite de poser le problème.

– 20 – 24. BIOÉTHIQUE, BIOTECHNOLOGIE, RISQUE. Le bouleversement CRISPR et Gene Drive. Le point exactement 3 ans après la première utilisation de CRISPR comme outil d’édition du génome et 4 mois après son premier emploi pour le Gene Drive, le truc qui permet à un OGM d’envahir une espèce naturelle en quelques de générations. Deux pages pour résumer la situation et rappeler l’histoire, avec une analyse oscillant entre enthousiasme et inquiétude. Un exemple pour cette dernière. On utilise CRISPR pour faire un virus qui donne un cancer spécifique à une souris. Et puis, on se dit que, avec juste quelques petites mutations, le virus pourrait faire la même chose chez l’homme. Zut!

Des possibilités extraordinaires, des problèmes effarants, pas de solutions.

– 29 – 30. MÉDECINE, ÉTHIQUE. Christine, Laurée, Lazare. Se préparer pour des résultats inattendus lors d’un test prénatal. Depuis 2011 existe un test prénatal non invasif basé sur l’analyse génétique des cellules du foetus circulant dans le sang de la mère (on vient d’apprendre que son usage est autorisé en Suisse). En 2014, 800’000 de ces tests ont été effectués par les quelques firmes qui offrent ce service. Alors que l’amniocentèse a un taux d’erreur de 5%, le nouveau test annonce 0.2%. Basé sur le séquençage de l’ADN, il dit aussi beaucoup plus; potentiellement il permettrait de connaitre le génome complet du futur enfant. Effet collatéral, il parle aussi de la mère. Actuellement, le problème le plus fréquent est la découverte d’un cancer chez celle-ci. Il y a des cas plus bizarres. Par exemple, un défaut chromosomique est suspecté chez la mère, mais il se révèle qu’il s’agit de l’homme dont elle a reçu un rein transplanté.

L’usage de ces informations posera un problème considérable à l’avenir. Déjà maintenant, on constate que cette problématique dépasse largement les prestataires du service.

 

5.6.15. Science 348, 6239.

– 1062. POLITIQUE, SCIENCE. Gilles. L’ERC sauvé des coupes? M. Junker – le Président de la Commission européenne que nous n’apprécions pas – veut couper 2.7 milliards des 74 milliards de Horizon 2020, le programme de recherche de l’Europe de ces 5 prochaines années, y compris 220 millions coupés à l’ERC. Protestation vigoureuse des scientifiques. Il faut dire que l’ERC – Le Conseil européen de la recherche – est largement considéré comme le fleuron des succès européens. Retour en arrière de la Commission, l’ERC sera épargné comme aussi les bourses Marie Curie.

– 1072 – 1085. Cahier spécial. ETHNOLOGIE. Pia. Que faire avec les dernières tribus sauvages d’Amazonie? Il y en a; elles n’ont eu jusqu’ici aucun contact avec la « civilisation ». On en trouve en particulier dans la forêt tropicale du Pérou et du Brésil. En principe elles sont protégées par les lois du Brésil, mais, à la longue, le contact est inévitable avec l’immédiate contamination par nos maladies et l’impossible ajustement des cultures. Cette série d’articles fait le point et constate que c’est à l’État, aux ethnologues et aux médecins d’être proactif pour limiter les dégâts de la collision annoncée. J’ai la copie des articles, vous pouvez me les demander.

– 1087 – 8, 1118 – 22. MATÉRIAUX. Manu. Superlubricité: ça glisse quand c’est sec. 30% de l’énergie d’une voiture part en frottement. Typiquement, les coefficients de frottement sont de l’ordre de quelques dixièmes (frottement ≈ 0.1 x force appliquée). La lubrification permet de diminuer ces pertes. La poudre de graphite que l’on injecte dans une serrure réticente produit une diminution substantielle du frottement. Toutefois, il y a mieux, au niveau microscopique, on connait des cas de superlubricité dans lesquels le frottement disparait presque complètement (il peut perdre 3 ordres de grandeur.) Un exemple, mentionné récemment sur ce blog (Nature, 26.3.15), concerne le glissement de plaques de graphènes l’une sur l’autre. Le présent article réussit à combiner étrangement des nanoparticules de diamant (hyperdur, hyperabrasif) avec des patches microscopiques de graphène. En agitant correctement l’un avec l’autre, le graphène « emballe » les particules de diamant en des petites boules qui se comportent en superlubrifiants entre deux surfaces solides macroscopiques. Une limitation toutefois: l’effet disparait en présence d’eau. Pas de doute, le carbone est un chouette élément. Nous prépare-t-il une révolution mécanique?

– 1090 – 1, 1130 – 32. SOCIOLOGIE, POLITIQUE, RÉSEAUX SOCIAUX. Gilles. La montée des algorithmes sociaux. La réponse que l’on reçoit à une demande sur Google ou Facebook (question à Gilles: quelle est la relation entre ces deux?) est sélective. En anglais, on parle de « curation » (un mot nouveau dont le sens est loin de sa racine « curateur »). L’article tente de savoir en quoi la curation influence les visions politiques des utilisateurs. Le processus de curation est basé sur le portrait de l’utilisateur et de ses « amis » tel que le programme de curation le construit sur la base des données du web et on ne sait trop quoi d’autre. Il est très complexe. On en veut pour preuve le fait que les auteurs de cet article sont des chercheurs de Facebook. On pourrait donc penser qu’il leur aurait suffi d’aller poser la question à leurs collègues qui écrivent le software. Pas du tout, personne n’en a une vue globale et personne ne sait exactement son effet! On connait quand même la tendance à donner des réponses qui vont dans la direction de pensée de l’utilisateur et de ses « amis ». Quelques fois, l’intervention est plus marquée; l’auteur du commentaire a étudié comment le prix des produits proposés dans le e-commerce est quelquefois individuellement modulé. Le résultat de la présente étude porte sur 10 millions d’utilisateurs US. Elle constate que, oui, les réponses sont politiquement biaisées, mais que l’effet est limité dans la situation actuelle. Plus important est le choix que l’internaute fera dans les réponses proposées et, en amont, le choix de ses amis.

On note avec satisfaction que l’étude a été faite par les gens de Facebook eux-mêmes. Cela ne freinera pas les éventuels dérapages futurs. Des dispositifs neutres d’analyse et de protections doivent être mis en place. J’ai la copie des articles, vous pouvez me les demander.

 

11.6.15. Nature 522, 7555.

– 128. CLIMAT, POLITIQUE. Buts ambitieux. Le 8 juin, le Groupe des 7 a fixé les buts suivants pour le climat: (i) 70% réduction des GES (gaz à effet de serre) en 2050; (ii) économie décarbonisée à la fin du siècle; (iii) confirmation de l’engagement de Copenhague en 2009 d’atteindre 100 milliards d’aide annuelle (publique et privée) pour le climat aux pays en développement.

– 149 – 151. ÉNERGIE, GOUVERNANCE. Peut-on sauver ITER. ITER est l’énorme projet international de centrale à fusion nucléaire en douloureuse construction à Cadarache. Prix et délais s’envolent. Le projet survit puisque tant d’argent y a déjà été investi. Bernard Bigot en est le nouveau directeur. En lui reposent les espoirs de ne pas sombrer. Son analyse est que le problème est dans la gouvernance du projet qui se perd dans les arrangements entre pays contributeurs. Il demande du pouvoir et de l’argent: 20 % du budget discrétionnaire dans ses mains. Décision cet automne. J’ai toujours pensé du mal de ce projet; trop d’oeufs dans le même panier, objectif de construction trop lointain alors que la science de base change l’éclairage du domaine au moins aussi vite. Le problème ressemble à celui du HBP de Markram.

Clément Bordier a aussi son commentaire.

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140 – 1, 164 – 5, 167 – 72 (Allentoft et al), 207 – 11 (Haak et al). GÉNITIQUE, POPULATION, HISTOIRE. Anne-Claude. La question de l’origine de notre civilisation occidentale et des langages indo-européens fait débat depuis 200 ans, y compris dans ses relents racistes et nationalistes. Une importante partie du problème revient à la question: qui circule principalement, les gens ou les idées (ou les techniques)? La génétique vient contribuer avec une avalanche de données d’ADN rapportés dans 2 gros articles. Il y avait deux théories principales: l’origine anatolienne (Turquie actuelle) ancienne (7k ans) ou l’origine plus récente (âge du cuivre et du bronze entre 3700 et 2000 AJC) dans la population des steppes Yamnaya au nord, entre la Mer noire et la mer Caspienne. C’est la deuxième théorie qui se confirme, démontrant que cette population s’est étendue au nord de l’Europe et à l’est en Asie. Les Yamnayas descendent eux-mêmes des populations de l’Eurasie du Nord, les mêmes que celles qui sont aller peupler l’Amérique. On associe la mobilité des Yamnayas au fait qu’ils se déplaçaient en wagons à roue tirés par des chevaux.

langage debate, Nat 522,164

12.6.15. Science 348, 6240.

– 1180. ENVIRONEMENT, POLITIQUE. Larry. Le Canada tourne voyou. Cent scientifiques respectés demandent au Canada de freiner son activité minière des sables bitumineux. À moins d’une véritable volteface, le Canada causera des dommages incontrôlés à ses habitants et à son territoire et ne respectera pas ses engagements internationaux. Il est noté que, en Alberta, malgré les conventions et les promesses, moins de 0.2% des surfaces exploitées ont été remises en état.

– 1204 – 5, 1224 – 6. GÉOLOGIE, FRACKING. Manu. L’injection de liquide sous haute pression pour la fracking génère d’inquiétants tremblements de terre (le record a atteint une magnitude de 6 lors du remplissage d’un barrage en Inde, ceux causés par le fracking n’ont pas dépassé 5 jusqu’ici). En chaque point du sol, il y a une contrainte normale et une contrainte tangentielle. Il y a rupture, donc tremblement de terre, quand la contrainte tangentielle dépasse le produit du coefficient de frottement et de la contrainte normal. L’injection du liquide de fracking ne change guère les contraintes, mais elle peut diminuer le coefficient de frottement avec pour effet, soit une rupture brusque, soit une reptation lente vers une relaxation des forces tangentielles. Le présent article, qui ne considère que des profondeurs de quelques centaines de mètres, suggère que, en suivant exactement les micro-tremblements de terre, il devrait être possible de contrôler le rythme d’injection de manière à favoriser la reptation et éviter la rupture. Va-t-on vers une technique de prévention des tremblements de terre naturels? On en est encore loin.

 

18.6.15. Nature 522, 7556

– 259. SANTÉ, SOCIOLOGIE. Lucy. Ce que nous mangeons: les données sont mauvaises. http://doi.org/5dd; http://doi.org/5df (2015). Une enquête de la Mayo Clinic teste, aux USA, la valeur des enquêtes sur les habitudes alimentaires. Typiquement, il est demandé ce que les gens ont mangé la veille. L’enquête montre qu’ils se souviennent mal et imaginent beaucoup. Les conseils nutritionnels donnés sur ces bases sont mis en doute.

– 268 – 9. MATERIAUX, BUSINESS. Graphène: le point sur ses applications. Le graphène, cette forme nouvellement découverte du carbone (Prix Nobel en 2010) en couche monoatomique plane (voir aussi 5.6.15.) La substance a des propriétés extraordinaires. 10 fois plus solide que l’acier, 10 fois plus conductrice que le cuivre, etc. On en produira cette année plus de 600 tonnes et 5000 brevets d’applications ont été attribués jusqu’ici. La Chine domine largement le domaine. Les applications commercialement les plus avancées concernent peut-être les écrans plats et l’évacuation de chaleur. Il manque toutefois une application qui fasse « tilt », qui soit à la hauteur des promesses du matériel. On attend!

 

19.6.15. Science 348, 6241

– 1294. MÉDIA, GENRE. Lucy. Tim Hunt (72) est un biologiste fameux, Prix Nobel, actifs dans de nombreuses institutions. Il fait quelques mauvaises plaisanteries à la World Conference of Scientific Journalists à Séoul. Il fait remarquer que « les femmes dans les labos, ça complique quand les scientifiques tombent amoureux et que les filles pleurent quand on leur fait des remarques ». Scandale mondial. Il est dénoncé partout et mis au pilori du monde entier. Il admet sa bêtise, mais trouve la réaction exagérée. Dans Nature de la semaine prochaine (25 juin, p. 393), une de ses post doc prend sa défense sur une page décrivant factuellement qui est l’homme. Le labo était bien équilibré homme/femme, le patron était prévenant envers chacun, sa réputation était solide.
Monde stupide où les effets d’annonce et les scandales remplacent l’information.

– 1325. INGENIERING GÉNÉTIQUE, ÉTHIQUE. Lettre de H.L.Muller, descendant en flamme ceux qui demandent de la retenue envers les manipulations génétiques des embryons humains. Il revient au moratoire d’Asilomar (1975) qu’il évalue comme un total échec. Son argument: un gamin de 20 dont les articulations se décomposent sous l’effet de l’anémie falciforme; il est indigne de ne pas tout tenter pour le sauver, lui et les autres. On est prêt, allons-y!

– 1358 – 61. ÉTHOLOGIE. A. Strandburg-Peshkin. La démocratie des babouins. Nous avons vu récemment la procédure qui permet à des fourmis de coordonner leur action dans une tâche complexe. Autre animal, autre algorithme. Il s’agit ici d’une bande d’une centaine de babouins au Kenya. Durant la journée, à la recherche de nourriture, la bande reste groupée en se baladant sur quelques km et revient le soir au dortoir. À partir du suivi précis de 25 individus, la procédure qui définit les déplacements a pu être caractérisée. 1ere surprise: les mâles dominants qui monopolisent une grande partie de la reproduction ne sont pas particulièrement important pour déterminer le mouvement. En fait, le système est « démocratique » dans le sens suivant: un individu partant comme éclaireur dans une direction tend à entrainer les autres; le suivi est plus rapide et plus rigoureux si plusieurs individus partent ensemble; si des individus partent dans des directions différentes, la résultante dépend de l’angle entre les directions et du nombre d’individus dans chaque direction; si l’angle est >90°, ce sont les éclaireurs du groupe le plus nombreux qui emportent la décision, mais avec d’autant plus de réticence que l’autre groupe est nombreux; si l’angle est <90°, la troupe prend une direction moyenne, pondérée par la force des deux groupes.

Je serai curieux de savoir si la procédure reste valable en cas de menace extérieure, lorsque la décision devient vitale.

 

25.6.15. Nature 522, 7557.

– 397. MÉDECINE, COMMERCE. Médicament contre l’hépatite C (cont.) Gilead Science facture 84 K$ l’excellent traitement par le nouveau médicament. À ce prix, même la LAMAL impose des restrictions sévères: il faut d’abord être bien abimé pour avoir droit à la pilule. Soutenue par MSF, la Chine après l’Inde a refusé l’offre à 900$, la jugeant encore trop élevée. Les génériques « sauvages » se pointent. Des bruits circulent qu’un médicament immunologique (généralement très cher) contre Alzheimer est proche. La guerre sera farouche.

– 410 – 412. NEUROPSYCHOLOGIE. Le point sur l’ocytocine. Ocytocine signifie « naissance rapide ». Depuis 1950 elle est utilisée couramment et à forte dose en obstétrique – donc, à première vue, pas de problème de toxicité. C’est aussi l’hormone « de l’altruisme et la socialité ». Avec cette réputation et comme on peut l’acheter facilement, la demande est considérable . Mais là, il faut être prudent. Une chose est sure: dire que l’ocytocine est la drogue de l’amour et de la confiance est trompeur. Plus sérieusement, est-ce une drogue pour soigner l’autisme ou les états bipolaires? Les résultats ne sont pas clairs. Mais comment gérer la demande des utilisateurs sauvages?

– 413 – 4. SCIENCE ET SOCIÉTÉ. Comment déterminer risques et bénéfices de l’édition des gènes ou de l’intelligence artificielle. D. Sarewitz argumente que la réponse ne peut être fournie par les scientifiques seuls. Eh oui! Le point de vue oriente la vision du monde bien plus qu’on ne l’imagine. C’est en quelque sorte la grande leçon que j’ai apprise des 7 premières années de ma retraite.

– 470 – 3. THÉORIE DE L’ÉVOLUTION. Lumley et al. La sélection sexuelle protège contre l’extinction. On entend souvent dire après Kuhn, (The structure of scientific revolution. 1970, UCP, Chicago) que la théorie darwinienne de l’évolution n’est pas vraiment une théorie scientifique puisque l’évolution ne peut être testée en la répétant. Erreur conceptuelle! Ce n’est pas l’histoire qu’il s’agit de tester, mais la théorie qui peut, entre autres, aider à en rendre compte. Ne nous trompons donc pas, la théorie de l’évolution est testable et les scientifiques ne s’en privent pas. Prémisse du présent article, il y a l’étonnement devant la généralité de la reproduction sexuée alors que son coût est énorme, en particulier par le fait que, le plus souvent, seule la moitié des individus portent toute la charge de la reproduction. Pour l’expliquer, Darwin a proposé la théorie de la sélection sexuelle qui peut s’expliquer ainsi: les mutations diverses s’accumulent au cours du temps; si certaines – rares – peuvent déboucher sur un avantage évolutif, la majorité d’entre elles sont neutres ou défavorables; sans corrections, le génome se dégrade. La sélection sexuelle compense ce désavantage en permettant aux femelles de choisir les meilleurs mâles – ou vice-versa -, éliminant ainsi la mauvaise dérive du génome et favorisant les rares changements potentiellement favorables. Il est vrai que, attentif observateur de la nature, Darwin avait remarqué que les manifestations du phénomène sont souvent tellement extraordinaires, qu’il faut bien leur trouver une solide explication (voir par exemple: https://www.youtube.com/watch?v=T1EEsZCnZWE).   L’expérience rapportée ici est moins gracieuse. Elle porte sur des insectes placés pendant 7 ans en situation de sélection sexuelle, soit forte, soit faible. Après cela ils sont mis en situation de reproduction consanguine (seulement entre frères et soeurs, une situation qui, à la longue, n’est pas viable) pour tester la « qualité » de leur génome. Le résultat est clair, les familles issues d’individus soumis à la sélection sexuelle survivent deux fois plus longtemps que celles qui ne l’ont pas été et qui disparaissent en moins de 10 générations. Le résultat est pratiquement le même que ce soit la femelle ou le mâle qui est le principal agent de la sélection.

 

26.6.15. Science 348, 6242.

– 1469 – 72. CLIMAT. T.R.Karl et al. (10 auteurs, US) L’apparente diminution de l’échauffement climatique depuis 1998 est probablement un artéfact de mesure. Selon le dernier rapport de l’IPCC (le panel international d’évaluation de l’échauffement climatique), l’augmentation de la température de surface a significativement ralenti depuis 1998. De ce « hiatus » se régalent évidemment les négationnistes de tout poil. Pour l’expliquer, les spécialistes ont proposé, par exemple, qu’il correspond à une augmentation de l’échange avec les couches profondes des océans, impossible à mesurer actuellement avec la précision requise. Le présent article a une autre explication; il semble démontrer que le « hiatus » est un artéfact de mesure. Il me convainc en tous cas d’une chose: mesurer la variation de la température de surface de la Terre est diablement difficile. C’est normal. Il y a des endroits chauds, d’autres froids et tous se déplacent. La qualité de la mesure globale dépend d’abord du réseau de points de mesure que l’on a pu mettre en place. Sur terre, on connait les stations météo et leur mesure standardisée (voir à Villa). Sur mer, la méthode la plus fréquente consiste à déterminer la température de l’eau pompée dans les cargos pour refroidir les moteurs. Un réseau de bouées est plus précis, mais moins dense. On voit le problème de calibrations que posent ces différentes mesures. Et puis, entre les points mesurés, il faut interpoler dans l’espace et le temps. Sans surprise, c’est l’Arctique et l’Antarctique qui sont les moins bien couverts. Le présent travail reprend toutes les données, y ajoute celles des deux dernières années. La conclusion est qu’il n’y a pas de hiatus. Finalement, je retiens que l’échauffement moyen depuis 1880 a été d’environ 0.07°/décade en augmentation régulière atteignant maintenant environ 0.11°/décade résultant en un réchauffement global qui approche 1°

– 1403, 1411 – 3, 1420 – 2, 1423 – 5. SCIENCE REPRODUCTIBLE ET OUVERTE. Gilles. Quatre articles indépendants autour du même sujet.
1411 – 13. J. Kaiser analyse une récente étude visant à reproduire 50 des articles les plus cités de Nature, Science et Cell dans le domaine du cancer de 2010 – 12. Peut-être particulier à cette étude, c’est l’effort qui a été fait pour communiquer avec, et obtenir le feedback des auteurs des articles analysés. Encore une fois, les résultats sont détestables par le nombre des études non reproductible. L’article met aussi en évidence la difficulté à collaborer avec les auteurs pour mettre le doigt sur les noeuds que révèle la tentative de reproduire. Je crois, sans guère de difficultés, les études montrant que la majorité des résultats publiés en sciences humaines ou celles en médecine et biologie directement liée à l’industrie ne sont pas reproductibles. Par contre, j’ai grand-peine à admettre que les articles provenant d’institutions scientifiques reconnues et réputées neutres, publiées dans les grands journaux scientifiques doivent, par défaut, être considérés comme irrelevants jusqu’à preuve du contraire. Si tel devait être le cas, la notion d’innovation scientifique devrait être profondément revue.

Les trois autres articles s’attachent à la question: comment améliorer la situation? Ils ne manquent pas de propositions. Celles par un groupe autour de Bruce Alberts (un scientifique remarquable) (pp1420 – 22) me semblent bien gentilles et ne tiennent pas assez compte de la brutalité de ceux pour qui la science de qualité n’est pas le but. L’autre ressort d’une vaste étude financée par la fondation Laura et John Arnold. Elle vise à favoriser la science ouverte dans le but de promouvoir et valoriser la vraie innovation. J’aime la conclusion de B. Alberts et al.: en 1787, se demandant si la fraiche élaboration de la constitution US déboucherait sur la république ou la monarchie, B. Franklin conclut: « A Republic, if you can keep it ». Y’a du boulot en science!